Balerit 2025 : dans les coulisses d’un exercice de haute intensité
Du 23 au 26 mars 2025, les armées françaises se sont entraînées dans un scénario de guerre réaliste, dans l‘Ouest de la France. Objectif : tester leurs capacités à mener un conflit de haute intensité en terrain civil avec l’intégration de drones et des réseaux hybrides de communication. Reportage.
Les articles sont tirés d'Esprit défense n° 15 (mai 2025), consacré à la préparation à la haute intensité.
Lire le magazineDans le village de Chaunay, au cœur de la Vienne, le calme apparent masque une effervescence inhabituelle, en ce dimanche de mars 2025. Derrière les portes closes d’une salle communale, une guerre se prépare. Fictive, certes, mais fondée sur un scénario des plus réalistes : un ennemi aux capacités similaires aux nôtres a envahi la Nouvelle-Aquitaine. L’heure est à la contre-offensive.
Sous un préau, une carte improvisée est déployée au sol. Cordes colorées et écriteaux matérialisent les points stratégiques et les menaces potentielles. Tout autour, les militaires passent en revue chaque phase de l’exercice Balerit, un entraînement grandeur nature en terrain civil entre la Charente et les Deux-Sèvres. « Nous voulons offrir aux unités un environnement aussi proche que possible d’un conflit de haute intensité », explique le colonel Philippe Bignon, commandant du 1er régiment d’infanterie de marine (1er RIMa). Pour renforcer ce réalisme, près de 600 militaires français et britanniques sont mobilisés, appuyés par des drones Reaper et ALSR pour le renseignement aérien, et par 200 véhicules.
L’exercice met à l’épreuve deux modes d’action : l’intégration massive des drones et l’hybridation des communications. « Chaque escadron dispose désormais de plusieurs drones pour anticiper les mouvements ennemis et adapter la manoeuvre », détaille le lieutenant-colonel Rémi, chef des opérations. Côté communication, l’enjeu est d’éviter toute interception en combinant moyens militaires et réseaux civils, tels que Starlink ou la 5G, notamment lors des opérations en milieu urbain.
Tension sur la ligne de front
À l’aube, un épais brouillard enveloppe la campagne. Les habitants traversent, sans le savoir, une ligne de front virtuelle. Derrière un champ, dissimulés sous les arbres, trois véhicules blindés légers sont en position. À l’affût, le lieutenant Sylvain et son unité, équipés de tireurs de précision et d’un missile moyenne portée, surveillent l’horizon.
La tension monte lorsqu’une patrouille ennemie est signalée par un agriculteur. « En conditions réelles, la population est une source d’information précieuse », souligne le lieutenant avant de déclencher un tir d’artillerie fictif. Les observateurs-arbitres-conseillers (OAC), implacables, annoncent la sanction : « Vous êtes tous morts. »
Ailleurs, des drones civils s’élèvent dans le ciel. Comme en Ukraine, ces aéronefs offrent une visibilité inédite sur le champ de bataille. Mais l’ennemi, lui, en possède aussi. Il devient alors crucial de se mettre en mouvement pour ne pas être repéré et frappé à son tour.
Combat urbain à Angoulême
À la nuit tombée, soldats et officiers regagnent gymnases et salles communales transformés en bases temporaires. Debriefing et planifications rythment la fin de journée. L’objectif du lendemain est clair : reprendre l’aéroport d’Angoulême.
Les premières heures voient les blindés Griffon et Jaguar s’extraire de leurs caches, circulant au milieu des travailleurs matinaux. Sur le tarmac, la force rouge, composée de réservistes enthousiastes, a érigé ses défenses. Soudain, un Griffon fonce vers l’entrée, suivi de deux colonnes du 1er RIMa. « Contact sur la droite ! », hurle un mitrailleur. Rafales et tirs simulés retentissent.
Les OAC, en arbitres, statuent : « Toi, touché […] Toi, mort. » Pour une mise en condition quasi réelle, les faux blessés sont aspergés de sang synthétique. Le coût humain (fictif) est lourd. « Il faudra retravailler certains points », analyse sobrement le colonel Bignon. L’aéroport étant sécurisé, l’objectif final approche : la prise de la gare d’Angoulême.
Un assaut sous les yeux des habitants
Aux premières heures du jour, le 6e régiment du génie installe un pont flottant sur la Charente. Objectif : permettre aux troupes de traverser le fleuve et d’atteindre la gare, dernier bastion ennemi. Tandis que les sapeurs s’activent, les commandos s’infiltrent en amont par le cours d’eau, en palmant — leur spécialité.
Une fois sur l’autre rive, ils demandent un tir d’artillerie, puis « nettoient la zone », sous les yeux amusés des passants. « On dirait une scène de film », plaisante une cycliste. Une fois la berge sécurisée, les véhicules traversent. Les colonnes de soldats se forment, progressant prudemment à travers la ville. La population, enthousiaste, les suit à la trace. Chaque fenêtre, chaque recoin est inspecté tandis qu’au loin, les OAC gèrent le trafic.
Au terme de l’exercice, le colonel Bignon dresse un bilan positif : « En matière de logistique et de résilience du poste de commandement, nous sommes très satisfaits. Sur le plan du combat, nous pouvons renforcer encore davantage le rythme dans la bataille mais une chose est sûre : si la guerre éclatait ce soir, nous serions prêts. »
Par Kévin Savornin
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