E-sport : les militaires sont dans le GAME

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 01 août 2024

Depuis 2021, les armées favorisent la pratique compétitive du jeu vidéo (e-sport) dans leurs rangs. L’initiative est aujourd’hui couronnée de succès. Les différentes communautés rassemblent plusieurs centaines de militaires et les effets sont visibles : cohésion, rayonnement, développement cognitif.

L’équipe e-sport interarmées participe au tournoi du jeu League of Legends, à Poitiers, en mai 2024. © CNE Marine Riondet/Dicod/Défense

« La pratique compétitive de jeux vidéo est désormais reconnue comme une discipline sportive à part entière. C’est un secteur qui présente un potentiel très élevé pour susciter des projets de recherche, en particulier dans le domaine cognitif et dans celui de la formation ». En novembre 2021, lors du Forum innovation défense (FID), l’ancienne ministre des Armées Florence Parly affichait son enthousiasme au sujet d’e-sport, une pratique dont l’engouement ne fait que croître dans l’Hexagone. Véritable phénomène de société, il intéresse aujourd’hui près de 12 millions de personnes1, soit plus de 23 % des internautes de 15 ans et plus. Ces chiffres font de l’e-sport un formidable outil de rayonnement et d’influence pour atteindre les jeunes générations.

Dans la foulée du FID 2021, le ministère des Armées a lancé LNX2, un projet porté notamment par l’Agence de l’innovation de défense et les Jeunes IHEDN. Son objectif : soutenir les initiatives e-sport des armées, directions et services.

Développer des compétences cognitives

Dès lors, la machine s’est mise en marche avec, en tête de gondole, l’armée de l’Air et de l’Espace (AAE), qui compte maintenant plus de 1 200 joueurs dans sa communauté. De son côté, l’armée de Terre est en phase de structuration, mais elle a déjà recruté près de 500 « gamers » depuis la fin de l’année 2023. « Plus de 80 % des Français jouent régulièrement aux jeux vidéo. L’armée étant un reflet de la société, nos chiffres sont similaires », explique le lieutenant-colonel Jérôme, ambassadeur e-sport de l’armée de Terre. Ce dernier voit dans cette pratique des effets très bénéfiques : « Le sport électronique permet de développer des compétences cognitives : la coordination, la stratégie ainsi que la prise de décision sous le stress. Autant de qualités nécessaires une fois sur le terrain, en particulier pour les pilotes de combat ou les opérateurs de drone. »

L’armée de l’Air et de l’Espace compte aujourd’hui 1 200 joueurs d’e-sport. © SGT Olympe Goubault/armée de l’Air et de l’Espace/Défense

Parmi les jeux pratiqués : Fifa, Call of Duty, Rocket League, ou encore League of Legends, un jeu de stratégie dans lequel deux équipes de cinq s’affrontent pour détruire la base adverse. Ces titres très populaires sont fortement représentés dans les compétitions e-sport, qui constituent un objectif pour les communautés « gaming » des armées. « Notre démarche n’est pas seulement ludique. Nous souhaitons représenter l’institution au plus haut niveau. »

Le commandant Julien peut en témoigner. En tant que capitaine de l’équipe League of Legends de l’armée de Terre, il a fait passer de rudes sélections pour ne garder que les meilleurs : « Sur plusieurs centaines de candidatures, nous en avons gardé sept pour être les plus compétitifs possible ». Ensuite, comme pour n’importe quel sport, l’entraînement est rigoureux et il se tient plusieurs fois par semaine, le soir après le service ou même le week-end. Le commandant Julien précise qu’aucun militaire n’est rémunéré pour jouer aux jeux vidéo. « La mission est prioritaire. »

Un outil de rayonnement et d’influence

C’est ainsi que, sous l’impulsion de la Mission cinéma et industries créatives du ministère des Armées et des Anciens combattants, une équipe e-sport interarmées a participé pour la première fois à la Gamers Assembly, du 30 mars au 1er avril 2024. Cet événement, le plus important du e-sport français, a réuni plus de 20 000 passionnés et 2 200 joueurs professionnels. L’équipe, composée de sept joueurs et deux managers, était inscrite au tournoi du jeu League of Legends. Elle a été classée neuvième sur 32 de l’arbre amateur. « Une bonne performance au vu du faible temps d’entraînement et du niveau des autres joueurs », a commenté le commandant Matthieu.

Au-delà des seuls compétiteurs, les gamers des armées sont éparpillés dans tous les coins de France. Les échanges ont principalement lieu sur Discord, un réseau social très apprécié des amateurs d’e-sport. Le jeu vidéo permet ainsi de se retrouver autour d’une passion commune et, selon le commandant Julien, « de fidéliser les jeunes générations qui, malgré leur engagement, peuvent continuer la pratique de leur passion, parfois jusqu’à haut niveau ».

« Pourquoi ne pas, un jour, intégrer des cyberathlètes au CNSD3 ? »

En parallèle, l’AAE a lancé sa chaîne sur Twitch, une plateforme de streaming dédiée aux jeux vidéo utilisée par 96 % des Français de 18 à 24 ans. « Un excellent moyen d’échanger avec les autres communautés des armées, mais aussi de renforcer les liens avec le grand public », affirme le commandant Matthieu. Le soutien des différentes communautés, parfois présentes depuis l’émergence d’e-sport au début des années 1990, et celui des acteurs du secteur est en effet capital pour accéder aux compétitions nationales et internationales.

À l’avenir, les ambassadeurs français de la discipline aimeraient s’inspirer des armées alliées, notamment de l’US Army qui a lancé son équipe dès 2018 et dont les vidéos de sa chaîne Twitch dépassent 1,5 million de vues. La professionnalisation est également dans les esprits. « Pourquoi ne pas, un jour, intégrer des cyberathlètes au CNSD ? », s’interroge le lieutenant-colonel Jérôme. Le chemin est encore long, mais le potentiel du secteur fait réagir jusqu’au sommet de l’État. Conscient des enjeux, le Président de la République a affirmé sa volonté d’accélérer la structuration de la filière e-sport et de renforcer son attractivité à travers l’accueil de grands événements sportifs internationaux. De son côté, le Comité international olympique (CIO) étudie la possibilité de créer les Jeux olympiques d’e-sport.

Par Kévin Savornin

1 Source : Médiamétrie 2023

2 Référence au lynx, animal de l’Agence de l’innovation de défense

3 Centre national des sports de la défense


A la une