Métarégion qui s’étend de Djibouti à Papeete, de Pretoria à Tokyo, et dont la dimension maritime est incontournable, l’Indopacifique est la région de tous les superlatifs. Elle concentre les tensions interétatiques, en partie causées par la (ré)émergence de la Chine qui y change profondément les équilibres stratégiques, de la mer de Chine méridionale au détroit de Taïwan en passant par la frontière avec l’Inde. Même si elle est de plus en plus structurante, la seule rivalité sino-américaine ne saurait cependant résumer les enjeux sécuritaires en Indopacifique. S’y ajoutent la crise de prolifération nucléaire et balistique nord-coréenne, le conflit interethnique en Birmanie, la guerre civile au Yémen, la menace terroriste en Somalie et au Kenya…

Les communautés de la région adoptent par ailleurs des conceptions de la sécurité bien plus inclusives que la seule sécurité militaire. La sécurité environnementale y est, par exemple, cruciale. La zone compte ainsi 14 des 20 pays les plus exposés aux conséquences du changement climatique et six des sept pays les plus touchés par des catastrophes naturelles. Certains États ne disposant pas des moyens d’exercer pleinement leur souveraineté, notamment sur leur zone économique exclusive, la criminalité environnementale est un fléau. Les activités criminelles transnationales, dont le trafic de drogue, s’y développent également à grande vitesse.

Dans ce contexte, nos forces de souveraineté¹ et nos forces de présence² possèdent une valeur ajoutée reconnue comme telle par nos partenaires, en particulier en matière de présence, de projection et d’assistance. Mais le positionnement français en Indopacifique est souvent perçu comme arrogant, notamment lorsque Paris prétend y être une « puissance d’équilibres ». S’il existe une voie française indépendante, notre pays n’a pas pour autant le poids suffisant pour représenter une « troisième voie ». Certes, la France offre des options supplémentaires et complémentaires. Mais elles ne sont pas pour autant une « alternative » aux États-Unis et à la Chine.

Lors de la mise à jour prochaine de La Stratégie de défense française en Indopacifique, la France gagnerait donc à se présenter comme le « catalyseur de souveraineté » qu’elle est. Par ses actions et ses coopérations, elle contribue en effet à faciliter l’expression de la souveraineté de ses partenaires en dévoilant une offre spécifique. Celle-ci concourt à renforcer leurs capacités nationales et à créer des coalitions pour qu’ils puissent effectuer des choix non contraints.

Par Antoine Bondaz.

¹Forces armées dans la zone sud de l’océan Indien, Forces armées en Nouvelle-Calédonie, Forces armées en Polynésie française.

²Forces françaises à Djibouti, Forces françaises aux Émirats arabes unis.

Retrouvez tous les numéros du magazine trimestriel Esprit défense, la revue du monde de la défense.