De l’air à l’espace : se défendre dans la troisième dimension
Drones, cyberattaques, détournement d’avions… Les menaces aériennes sont nombreuses et très variées. L’armée de l’Air et de l’Espace est en première ligne pour protéger la population, d’autant que ce besoin s’est étendu à l’espace, où évoluent nos satellites d’intérêt stratégique.
Cet article est tiré du premier hors-série d’Esprit défense 2025
Lire le magazineAssurer la sécurité du territoire et le maintien de la paix : c’est l’une des missions premières de l’armée de l’Air et de l’Espace. Les menaces aériennes sont aujourd’hui multiples. Les guerres en Ukraine, au Proche-Orient et au Moyen-Orient ou les attaques houthies en mer Rouge mettent en lumière l’utilisation massive et indiscriminée des vecteurs aériens de toute taille. Les avancées technologiques rendent leur détection et leur neutralisation toujours plus compliquée. « La première difficulté ? La vitesse. Les cibles les plus lentes volent à quelques centaines de kilomètres-heure, alors que les plus rapides, comme les missiles balistiques ou les planeurs, arrivent à plusieurs kilomètres par seconde », explique l’ingénieur en chef des études et techniques de l’armement de deuxième classe Christophe Cabaj, architecte capacitaire défense sol-air à la Direction générale de l’armement.
« Deuxièmement, [la zone] d’altitude à surveiller et [dans laquelle procéder aux interceptions] est très large. Ces [engins qui constituent une menace] peuvent en effet voler à très basse altitude ou à plusieurs dizaines de kilomètres de hauteur, voire en vol exo-atmosphérique [aussi appelée la très haute altitude]. Enfin, ces derniers plus furtifs ont la capacité de brouiller et de leurrer nos défenses », poursuit l’ingénieur.
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Pour y faire face, l’armée de l’Air et de l’Espace veille chaque jour, afin de connaître instantanément la situation aérienne au-dessus du territoire national. Les militaires identifient les quelque 12 000 avions et autres aéronefs qui transitent au quotidien par l’espace aérien français. À la moindre anomalie dans le plan de vol ou dans le comportement d’un aéronef, les aviateurs réagissent : de l’assistance à un pilote en difficulté jusqu’aux mesures de contrainte, c’est la posture permanente de sûreté aérienne.
Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 l’ont démontré, les grands événements internationaux décuplent les risques et les menaces aériennes. En réaction, des dispositifs particuliers de sûreté sont déployés, aussi appelés bulles de protection aérienne. « Nos capacités de surveillance, de détection et de réaction sont alors renforcées, tout comme le maillage radar. Les avions de chasse et de surveillance ainsi que les hélicoptères voient leur nombre augmenté et complété par des moyens de défense sol-air », explique le lieutenant-colonel Jérémy Gueye, adjoint défense sol-air du général commandant la brigade aérienne de l’aviation de chasse. Ces bulles de protection ponctuelles ont aussi vocation à détecter les drones, une menace très prégnante du fait de la facilité d’accès de ces appareils dans le commerce et de leur coût limité. Ces engins pourraient alors survoler des espaces ouverts au public avec un risque de chute, espionner des sites sensibles ou encore transporter et larguer des charges explosives. Les menaces touchent autant la sphère civile que militaire. La lutte antidrone est prise en compte par différentes entités interministérielles, coordonnée par l’armée de l’Air et de l’Espace.
Défense spatiale
Réagir face à des actes hostiles dans l’espace est un défi devenu une réalité, avec la tentative d’espionnage du satellite russe Louch-Olymp en 2017. Lancé trois ans plus tôt, ce dernier a dérivé pour se poster à proximité d’un satellite militaire franco-italien, et ce, pendant trois mois. La ministre des Armées de l’époque, Florence Parly, déclare alors : « Tenter d’écouter ses voisins, ce n’est pas seulement inamical. C’est un acte d’espionnage. » Cette déclaration donnera naissance à la stratégie de défense spatiale en 2019, et au Commandement de l’espace (CDE) au sein de l’armée de l’Air et de l’Espace. Cinq ans plus tard, « les menaces se sont accentuées : brouillage de satellites de communication, actions cyber, développement de systèmes antisatellites », indique le général de division aérienne Philippe Adam, commandant de l’espace.
Face aux nouvelles menaces, le CDE continue de monter en puissance. Une étape importante sera franchie en 2025 avec l’inauguration de son nouveau siège à Toulouse. L’édifice devrait accueillir environ 500 personnes d’ici à 2030, soit une augmentation des effectifs de 40 % par rapport à 2019. Ce site deviendra l’organe central de l’outil de combat spatial dont la France est en train de se doter. À court terme, le CDE se verra muni d’une véritable capacité de défense active dans l’espace. Elle prendra forme avec la mise en orbite géostationnaire du démonstrateur Yoda1. Sa mission première : explorer les méthodes de protection de nos satellites militaires depuis l’espace. « C’est un programme expérimental qui sera suivi par le système Egide2, sa version opérationnelle », indique le commandant de l’espace. À noter également, l’annonce, le 17 septembre 2024, du nouveau démonstrateur d’action dans l’espace en orbite basse. Son nom : Toutatis3. Plus globalement, ces premiers satellites patrouilleurs-guetteurs visent à doter la France d’une capacité d’action dans l’espace. À la clé, la possibilité de surveiller l’espace depuis l’espace, pour détecter un acte suspect ou une agression et s’interposer si besoin. Le découragement sera au cœur du futur dispositif, qui s’articulera en étroite coordination avec nos partenaires, comme l’atteste, entre autres, le ralliement en 2024 de la France à l’opération américaine Olympic Defender4.
Les armées comptent aussi sur Ariane 6, le nouveau lanceur de l’Agence spatiale européenne5, pour retrouver une liberté d’accès souveraine à l’espace. Le troisième et dernier satellite du programme CSO6 devrait ainsi être mis en orbite lors du prochain lancement. Il fournira notamment des capacités d’observation significativement accrues. Pour rappel, ces cinq dernières années ont vu le renouvellement de nos trois grandes classes de satellites militaires, à savoir Ceres, Syracuse et CSO.
Par Laura Garrigou avec EV1 Antoine Falcon de Longevialle
1 Yeux en orbite pour un démonstrateur agile.
2 Engin géodérivant d’intervention et de découragement.
3 Test en orbite d’utilisation des techniques d’action contre les tentatives d’ingérence spatiale.
4 Opération militaire permanente lancée par les États-Unis en 2013 pour renforcer la coopération opérationnelle dans le domaine spatial.
5 Agence spatiale intergouvernementale, créée en 1975 et comprenant à présent 22 États membres.
6 Composante spatiale optique.
La France face aux guerres d’aujourd’hui et de demain
Retour de la guerre de haute intensité, transformation de l’armée de Terre, défense de l’espace aérien, retour du combat en mer, conséquences du changement climatique, ruptures technologiques…
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