Otan : « L’espace va devenir un théâtre d’opération comme un autre »

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 07 février 2023

Le colonel Christophe Grandclement est le directeur du programme « Espace » au sein du Commandement allié pour la transformation (ACT) de l’Otan. Son rôle : répondre aux interrogations qui entourent les enjeux militaires dans ce nouvel environnement, à la fois stratégique et générateur de dangers.

Le colonel Christophe Grandclement, directeur du programme « Espace » à ACT. © EV1 Antoine de Longevialle/Ministère des Armées

L’Otan a reconnu l’espace comme cinquième milieu d’opération en décembre 2019. En quoi cet environnement est-il essentiel à la dissuasion et à la défense de l’Alliance ?

L’espace est un domaine dual : c’est un secteur à part entière, mais il soutient aussi les autres en permanence. À la clé, des communications par satellite performantes, la capacité de suivre en temps réel nos troupes sur un terrain d’opération et la possibilité de détecter les départs de missiles, en lien direct avec la dissuasion. Un autre point important concerne la faculté d’observer la Terre, 24 heures sur 24, quelles que soient les conditions météorologiques. L’Alliance peut ainsi anticiper les crises et répondre efficacement et rapidement à ces dernières.

Les progrès rapides en matière de technologie spatiale offrent de nouvelles possibilités. À l’inverse, ces dernières sont aussi une source potentielle de vulnérabilités, voire de menaces. Sous quelles formes peuvent-elles se présenter ?

Nous avons récemment assisté à la matérialisation quasi totale du spectre des menaces imaginées les décennies précédentes. Elles se classent en deux catégories. Dans les menaces réversibles se trouvent, par exemple, tous les types de brouillage, ou bien l’aveuglement de satellites d’observation par laser. Les menaces irréversibles incluent, quant à elles, les tirs de missiles ou les menaces coorbitales, comme la possibilité pour un élément spatial de s’approcher d’un autre engin avec toutes sortes de charges utiles à l’intérieur. La menace cyber appartient, de son côté, à ces deux types de catégorie.

En quoi la guerre en Ukraine a-t-elle pu influencer la nouvelle doctrine stratégique de l’Otan dans le domaine spatial, adoptée par les chefs d’État et de gouvernement au sommet de Madrid, en juin 2022 ?

La crise en Ukraine a joué le rôle de détonateur et a entraîné une prise de conscience sur deux faits. Le premier confirme le caractère incontournable de l’espace dans toute opération. Le second relève de notre capacité à nous prémunir de l’ensemble des menaces que j’ai évoquées précédemment. Ces deux points ont sans nul doute influencé le contenu des documents produits récemment par l’Otan, notamment la doctrine stratégique.

Quelles perspectives entrevoyez-vous, dans les années futures, pour l’espace sur le plan militaire ?

L’espace était auparavant un milieu réservé à une élite. Sa démocratisation permet à des acteurs de plus en plus nombreux, qu’ils soient étatiques ou non, d’y être présents. Dans les prochaines années, il faut donc s’attendre à ce que l’espace devienne un théâtre d’opération comme un autre.

En janvier 2023, le Centre d’excellence espace, installé à Toulouse et bientôt accrédité par l’Otan, a officiellement été créé. En quoi ce choix symbolise-t-il la reconnaissance du savoir-faire français dans ce domaine ?

La proposition de la France a été acceptée tout simplement parce qu’elle satisfaisait aux critères fixés par l’Alliance. Le fait que Toulouse ait été choisie comme terre d’accueil a indéniablement pesé dans la balance puisque cette ville, en plus d’être attrayante par son emplacement, est le siège d’un écosystème spatial dense et reconnu en Europe. L’arrivée du Centre d’excellence espace est donc le parfait exemple de l’implication grandissante et permanente de la France dans les structures otaniennes.

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