[Quartz 2025] Avec les chasseurs alpins : au cœur d'un entraînement en milieu grand froid
Du 20 au 30 janvier 2025, dans le cadre de l’exercice Quartz, un détachement du 7e Bataillon de chasseurs alpins (7e BCA) s’est entrainé en conditions hivernales extrêmes. Le but : travailler les techniques de combat en montagne, la survie en milieu grand froid et la gestion des risques liés aux avalanches. La rédaction a suivi cette unité d’élite pendant cinq jours. Reportage.
Au pied de la montagne, une colonne de militaires vêtus de treillis blancs entame l’ascension. Skis de randonnée aux pieds, sac de 25 kg sur le dos, l'allure est vive. Leur objectif : atteindre le col de Granon, situé à 2 400 mètres d’altitude. Quatre heures d'efforts les attendent. Pour ces membres de la 1ère compagnie de combat du 7e BCA, cette montée n’est qu’une mise en jambe. « Un simple aperçu de ce qui les attend pour les 15 prochains jours », indique le capitaine Michaël, qui commande l'exercice Quartz. Au programme : combat en montagne, exercice de recherche de victime d’avalanche et aguerrissement par temps froid et en milieu montagneux.
En ce mois de janvier 2025, les températures ne dépassent pas 0 degré en journée et chutent jusqu'à -20 degrés la nuit. Malgré les risques de gelures, d'hypothermie et d'ophtalmie des neiges*, ces hommes devront dormir dehors, en tente ou en abri en neige, exposés aux vents et aux caprices de la nature. C'est même leur spécialité. Un savoir-faire primordial pour protéger notre frontière alpine ou un territoire tiers exposé à des conditions extrêmes. Avec Quartz, le bataillon poursuit sa série d'exercices en milieu grand froid. Un an auparavant, il était en Norvège pour l'exercice Nordic Response, sous commandement de l'Otan.
Une question de survie
Après une nuit passée dans le poste militaire de montagne du 7e BCA, les chasseurs entament leur première sortie. Certains, déployés sur l’opération Sentinelle pour la sécurisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris ou d’autres manœuvres ailleurs dans le monde, n'ont pas skié depuis plusieurs mois. Il faut revoir quelques fondamentaux : progression en ski de randonnée, ascension avec crampons et sac sur le dos, connaissance des types de neige, etc. Ici, la sécurité et la vérification du matériel priment sur le reste.
Chacun le sait, la montagne ne fait pas de cadeau. « Devant la nature, l’ego n’a pas sa place. Signalez le moindre problème, c’est une question de survie », assure le capitaine Michaël.
L’après-midi, l’ordre est donné : assaut sur le col de Barteaux, à deux kilomètres. Des membres de la cellule de tirs du bureau tir jouent la force adverse. Ces derniers sont en possession de systèmes d’artillerie et de drones. Après trente minutes de progression, les tirs ennemis brisent le silence. Devant le soleil couchant, les rafales fusent. Les messages radio, également. L’offensive se termine par la neutralisation du groupe ennemi, retranché dans une bergerie. La dernière fois que l’armée française s’est battue dans ces conditions remonte à la Seconde Guerre mondiale. A l’époque, le 7e BCA faisait face aux puissances de l’Axe et peut se targuer, aux côtés d’autres unités des troupes de montagne, d’avoir repoussé avec panache les armées d’Hitler et de Mussolini dans les Alpes, en 1940 et en 1945.
Des soldats d’élite
En Europe, ce type de combat demeure un lointain souvenir, mais il en est autrement, ailleurs dans le monde. Au milieu des années 2000, les zones de montagne accueillaient près de la moitié des conflits armés. En France, ils sont 8 000 soldats d’active et de réserve à être spécialistes du combat en montagne. Rompus aux reliefs escarpés, ces militaires de l’extrême n’ont cessé de mettre leur savoir-faire au service des opérations. En témoignent, leurs déploiements au cours des trente dernières années : Afghanistan, Mali, Estonie, Lituanie, etc.
Cette expérience du terrain fait du chasseur alpin un soldat d’élite maitrisant l’ensemble du spectre du combat moderne, à l’image des drones, utilisés par le 7e BCA pour ses manœuvres. « Ils permettent d’avoir une idée claire du terrain mais aussi, de suivre, avec des caméras thermiques, les traces d’un groupe de combattant jusqu’à quatre heures après son passage », explique le capitaine Michaël. Le froid réduit légèrement la portée du drone mais sa présence sur le champ de bataille constitue une révolution, pour le renseignement.
Le soir venu, le détachement passe sa première nuit en tente. Chacune peut accueillir dix soldats installés en cercle. La température extérieure oscille entre -5 et -10 degrés. Un poêle réchauffe quelque peu l’habitacle et laisse la fumée s’échapper par une fente. Pour dormir correctement, les fantassins disposent d’un tapis de sol, d’un matelas gonflable de deux sacs de couchage et d’un sur sac Gore Tex. L’ensemble leur permet de tenir lors de très basses températures. Les chasseurs alpins disposent de rations de combat spécifiques, elles sont lyophilisées. Pour se restaurer, ils doivent y verser de l’eau bouillante, chauffée par leur réchaud à gaz. Les quantités sont généreuses, prévues pour couvrir les efforts intenses fournis durant la journée. Au menu : purée à l’aïoli, pâtes au poulet épicé ou encore bouillon de légumes. Il faut prendre des forces pour les exercices de nuit. Éclairé par la lune et au moyen de jumelles de vision nocturne, le détachement alterne entre phase de surveillance et d’alerte jusqu’à deux heures du matin. Au retour, le capitaine Michaël leur propose du vin chaud, préparé en amont par le soutien. Un moment de cohésion apprécié après une dure journée. De quoi cultiver l’esprit de cordée, cette solidarité qui anime un groupe d'alpinistes lorsqu'ils grimpent ensemble.
Quinze minutes pour sauver une victime
Le lendemain, aux premières lueurs du jour, la neige a recouvert le bivouac. Autour, les massifs alpins se découvrent, éclairés par les premiers rayons du soleil. La vue est à couper le souffle. Peu de métiers offrent l’opportunité d’évoluer dans de tels décors. Au programme du jour : réagir en cas d’avalanche. Les conditions particulières du terrain montagneux peuvent rendre les pertes humaines très lourdes, même hors combat. Durant la Première Guerre mondiale, près de 60 000 militaires de toutes nationalités ont péri lors d'avalanches. La menace est prise très au sérieux : « vous avez 15 minutes pour sauver une victime. Au-delà, les chances de survie diminuent drastiquement », explique le lieutenant Ludovic. Les hommes écoutent attentivement. Ils mesurent le risque. Le lieutenant rappelle que des guides de haute montagne chevronnés ont déjà été emportés par des avalanches. Il martèle : « Soyez humbles devant la montagne. Elle ne vous pardonnera aucune erreur. »
Pour l’atelier, le scénario se veut réaliste : quatre skieurs ont été emportés par une avalanche, trois sont toujours sous la neige. Celui qui est indemne est en état de choc. « Cherchez les indices. Cela peut-être un bâton ou un ski planté de façon hasardeuse », hurle l’un des chefs de groupe. Les fantassins activent leurs Détecteurs de victimes d’avalanches (DVA). Cet appareil, dont l’usage s’accompagne d’une pelle et d’une sonde, émet des ondes permettant au sauveteur de se rapprocher très précisément de sa victime, jusqu’à trente mètres de profondeur. Moins de dix minutes seront nécessaires aux chasseurs alpins pour localiser les victimes (des mannequins équipés de DVA), leur prodiguer les gestes de premier secours et organiser leur évacuation.
L’épreuve de l’abri en neige
Le jour suivant est parmi les plus redoutés, celui de la construction des abris en neige. Cette tâche éprouvante exige quatre à cinq heures d'efforts intenses. Pour se réchauffer, une seule solution : creuser le plus rapidement possible. Trois hommes tiennent à l’intérieur. Une couverture de survie est disposée à même le sol pour isoler du froid. Une personne est désignée pour surveiller l'édifice et la circulation de l'oxygène, en veillant à ce que la bougie, allumée toute la nuit, ne s'éteigne pas. À l'extérieur, la structure, à la fois solide et discrète, est conçue pour résister aux passages de skieurs. Grâce aux propriétés thermiques de l'air et de la neige, l'igloo maintient une température intérieure de 0°C minimum, quelles que soient les conditions extérieures. La neige, excellent isolant, emprisonne la chaleur corporelle et peut même faire monter la température jusqu'à 15, voire 20 degrés.
De retour au bivouac, les visages sont marqués. La fatigue commence à se faire sentir mais le détachement se déplace de plus en plus vite. L’entraînement porte ses fruits, le capitaine l’a remarqué. Après une nuit difficile, le lever du jour fait office de récompense. Le moment est parfait pour effectuer un tir à balles réelles. En contre-bas du plateau, des cibles sont disposées. Sur la crête, les fantassins prennent position, équipés de leurs fusils d’assaut HK 416. Les premières détonations se font entendre. Les instructeurs prodiguent leurs corrections de tir, rappelant l'importance de prendre en compte les facteurs environnementaux tels que le vent, l'altitude et le soleil. Les méthodes de tir sont adaptées à la montagne, avec des positions classiques (debout, couché) et une position à genoux avec appui sur les bâtons. L'adjudant-chef Stéphane, qui dirige la séance, conseille de « tirer vers le sol pour visualiser les impacts dans la neige et ajuster les tirs ».
Après avoir consommé leurs munitions, les fantassins profitent d'une pause bien méritée. Dans cet environnement hostile, chaque instant de repos est précieux. Il reste encore dix jours d'exercice. Les corps et les esprits, bien qu’éprouvés, doivent tenir. La halte terminée, les chasseurs rechaussent déjà leurs skis, prêts à s’élancer dans l’immensité blanche, en direction du prochain col.
*brûlure au niveau des yeux provoquée par une exposition au soleil de montagne sans protection.
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