Militaires blessés : quand sport rime avec guérison et rédemption
Sous les yeux rivés des spectateurs et du monde entier, l’adjudant Guillaume et le sergent-chef Thibaut ont dignement représenté le drapeau tricolore et paralympique sur l’emblématique place de la Concorde lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques de Paris. Figures de résilience et de dépassement de soi, les deux militaires reviennent sur leur parcours inspirant. Portraits.
Une cérémonie empreinte de symboles
Allures martiales, regards saisissants, les deux Aviateurs et blessés de guerre ne laissent pas de marbre. Anciens membres opérant dans les forces spéciales de l’armée de l’Air et de l’Espace, les deux hommes ont participé à la majestueuse cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques mercredi 28 août sur la place de la Concorde.
Détail, et non des moindres, l’adjudant Guillaume, s’est vu l’honneur d’assurer la levée du drapeau français et paralympique, un moment honorifique et à la double symbolique : « Hisser ces deux drapeaux face à un parterre de spectateurs et devant les délégations internationales revêt une importance particulière à mes yeux. Pouvoir le faire en tant que militaire et blessé en opération extérieure mais aussi en tant qu’athlète, qui a tenté l’aventure paralympique, représente quelque chose de très particulier », confie le militaire.
Pour cet ancien commando dévoué à son armée et à son pays, les stigmates sont pourtant toujours bien présents : « Ce serait bien que les médias puissent évoquer les blessés de guerre présents lors des Jeux, en France, c’est quelque chose de tabou. Même si nous ne recherchons pas la lumière, nous avons besoin de cette reconnaissance, de réaliser qu’on a été blessé pour la France et au service de la France », poursuit-il
Servir et combattre au péril de sa vie
Mais avant de se reconstruire à travers le sport, les deux hommes ont servi pendant plusieurs années au sein des forces armées françaises, où leur vie a pris un tout autre tournant.
Engagé en 2007 au sein de l’armée de l’Air et de l’Espace, le sergent-chef Thibault rejoint le commando parachutiste de l’air n°30 (CPA 30) en 2008 après huit mois d’engagement en tant que fusilier commando sur la base aérienne de Creil. A l’issue de plusieurs stages de spécialisation, Thibault passe les sélections Recherche et Sauvetage au Combat (RESCO) puis chuteur opérationnel pour intégrer l’équipe de Recherche et Sauvetage aéro-larguée (RESAL) du CPA 30, où il y occupera le poste de leader de l’équipe chuteur en 2017.
Mais c’est en juin 2018, au cours de sa 8e mission, que sa vie prend un virage dramatique. Lors d’une mission de reconnaissance au Mali, un assaut tourne mal, le blessant grièvement à l’abdomen et à la hanche.
Deux ans plus tôt, l’adjudant Guillaume subissait un sort similaire.
Entré en 2008 en qualité de fusilier commando de l’Air, Guillaume réussit les sélections et rejoint le CPA n°30 de 2009. En quête d’une carrière plus opérationnelle, le jeune militaire rejoint en 2013 le CPA n°10 où il y réalise de nombreuses missions. En 2016, lors d’une mission en Irak, Guillaume subit l’explosion d’un drone piégé de l’état islamique. Le bilan est lourd, entrainant l’amputation de l’une de ses jambes et d’importantes brûlures aux avant-bras et au visage.
Après une longue phase d’hospitalisation, dont 4 mois d’alitement pour Thibaut, les deux hommes originaires de la région bordelaise, prennent le chemin de la rééducation. « Je pensais que ça allait être facile, mais c’était bien tout le contraire », se remémore Thibault pour qui une année de rééducation a été nécessaire pour réapprendre à marcher, et « retrouver une qualité de vie normale ».
La rage de survivre pour se reconstruire
Animé par le goût de l’effort et du dépassement de soi, Thibaut commence sa rééducation et entend parler des stages au profit des blessés de guerre, un univers inconnu qui attise sa curiosité. Plus tard, il apprend l’existence des Invictus Games, une compétition multisports pour soldats et vétérans de guerre blessés et personnes en situation de handicap, créés par le prince Harry de Sussex.
Avec détermination et acharnement, celui-ci réussit les sélections avec brio en décembre 2023 et disputera les Games de Vancouver en février 2025 aux cotés de trois autres Aviateurs. Engagé sur plusieurs disciplines, Thibaut présentera les épreuves de rugby fauteuil, basket fauteuil, natation, ski de fond, biathlon et skeleton, un sport de glisse, sur glace ou neige durcie, s’apparentant à la luge.
De son côté, après s’être essayé à plusieurs disciplines sportives, à l’hôpital militaire de Percy, Guillaume voit sa vie prendre une nouvelle dynamique fin 2017. Au cours d’une discussion avec Cyrille Chahboune, son frère d’armes blessé à ses côtés, Guillaume se voit proposer de monter et d’intégrer l’équipe de volleyball assis, équipe qu’il rejoindra un an plus tard. « Il a fallu rebondir et essayer d’accepter le handicap, le sport y a contribué. Mon épouse, a d’ailleurs été le pilier dans ma reconstruction, le soutien de ma famille est très important », souligne ce père de deux enfants, âgés de 7 et 3 ans.
De là, tout s’enchaîne : Invictus Games en 2018, championnats du monde militaire d’athlétisme en 2019 pour les personnes en situation de handicap. Mais ce sera finalement le volleyball assis que Guillaume choisira comme sport de prédilection, avec un objectif paralympique en tête. En 2019, l’athlète participe aux championnats d’Europe en volley assis puis à la coupe du monde en Egypte en 2023, où il se mesure à l’élite mondiale du volley assis.
Mais pour celui qui rêvait de s’aligner aux Jeux Paralympiques 2024, la déception laisse un goût amer : « Je ne fais pas les choses à moitié, j’ai engagé tous les moyens et possibilités de mon côté avec beaucoup de préparation physique et mentale. Heureusement, j’ai la chance d’être toujours dans l’institution militaire et d’être accompagné par l’armée dans mon cursus de reconstruction », témoigne-t-il.
Soutenus et accompagnés par l’institution
Rattachée à la Direction des ressources humaines de l’Armée de l’Air et de l’Espace (DRHAAE), la cellule d'aide aux blessés, malades et familles (CABMF Air) fourni un accompagnement personnel et individualisé aux blessés et aux malades militaires ainsi qu’à leurs familles.
Grâce à son suivi et son soutien sans faille, nos deux Aviateurs y sont très bien accompagnés : « Cela fait maintenant 8 ans que je suis blessé et je ne me suis jamais senti délaissé », insiste Guillaume.
En parallèle de ses entrainements aux Invictus Games, Thibaut s’est développé une passion pour la plongée sous-marine et s’apprête à passer son brevet d’initiateur l’année prochaine : « Dans la plongée, je retrouve la sensation de l’apesanteur, le côté très procédurier avec la préparation du matériel, des aspects qui me rappellent le parachutisme », livre l’ancien chuteur avec 550 sauts au compteur avant son accident.
Après avoir consacré tout son temps au para-volley, Guillaume envisage sereinement l’avenir avec de nouveaux projets en vue. Dès septembre 2024, l’athlète se lancera dans une procédure de reconversion professionnelle grâce au service Défense Mobilité.
Son projet ? Devenir moniteur de sport en tant que civil de la Défense au profit des militaires blessés, un statut qui n’existe pas encore aujourd’hui. Son envie de témoigner pour la cause du handicap le pousse à animer des conférences à Paris et à Bordeaux mais aussi à apporter son soutien à l’éducation nationale pour familiariser et initier la jeunesse au volleyball assis. Mais Guillaume ne souhaite pas s’arrêter là et espère s’investir davantage dans le milieu associatif, mêlant sport, handicap et résilience, pour intervenir notamment auprès des entreprises, toujours en abordant son lien inhérent à l’armée, si chère à ses yeux.
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