Diplomatie de défense : entretien avec le colonel Sylvain L., attaché de défense français en Suède.
Rencontre avec le colonel Sylvain L., attaché de défense près l’ambassade de France à Stockholm, qui nous éclaire sur son travail et ses missions au sein de la capitale suédoise. La DGRIS assure la tutelle du réseau bilatéral diplomatique de défense, qui comprend aujourd’hui 93 missions près les ambassades de France à l’étranger.
En janvier 2024, le président de la République, Emmanuel Macron, s’est rendu en Suède pour une visite d'État. Quelles ont été les conséquences de cette rencontre sur la relation de défense franco-suédoise ?
La visite d'État du président de la République Emmanuel Macron en janvier 2024 a marqué une étape significative dans le renforcement de la relation bilatérale franco-suédoise, y compris dans le domaine de la défense un des trois piliers du partenariat. Elle a permis de réaffirmer une affinité stratégique croissante entre la France et la Suède, deux pays profondément engagés dans la sécurité et l’autonomie stratégique de l’Europe.
Cette visite a favorisé un dialogue politique de haut niveau sur les enjeux liés à l’adhésion suédoise à l’OTAN, à la sécurité régionale (mer Baltique, Arctique), à la coopération opérationnelle ainsi qu’aux partenariats industriels notamment autour de l’innovation technologique et de la résilience énergétique. Elle a aussi renforcé la volonté des deux pays d’approfondir leurs échanges capacitaires et doctrinaux, dans le cadre bilatéral comme multilatéral.
Un an plus tard, la rencontre entre les ministres des Armées à Paris le 26 mars et la nomination d’un nouvel ambassadeur issu de la Direction générale de l’armement (DGA) illustrent cette orientation stratégique.
Colonel Sylvain L., attaché de défense en Suède
[La visite d'État du président de la République Emmanuel Macron en janvier 2024] a permis de réaffirmer une affinité stratégique croissante entre la France et la Suède, deux pays profondément engagés dans la sécurité et l’autonomie stratégique de l’Europe.
En février 2022, la Russie envahissait militairement l’Ukraine. Cela avait-il déjà eu un impact sur la relation de défense franco-suédoise ?
L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 a effectivement accéléré le rapprochement entre Paris et Stockholm. Elle a intensifié le dialogue stratégique, en particulier sur la posture de défense en Europe du Nord et sur les enjeux de résilience.
La France a rapidement exprimé sa solidarité envers les pays partenaires du nord de l’Europe, notamment en renforçant sa présence sur le flanc oriental de l’OTAN patrouilles maritimes en Baltique, police du ciel dans les pays baltes, « forward land forces » en Estonie et en Roumanie.
En Suède, cette menace venue de l’Est, profondément ancrée dans l’histoire et dans la culture de défense du pays, a ravivé une conscience des enjeux sécuritaires en Europe, réaffirmant le modèle de défense totale.
La guerre en Ukraine a aussi renforcé les échanges stratégiques, doctrinaux ou opérationnels. Depuis, la France et la Suède ont participé ensemble à plusieurs initiatives multilatérales comme Baltic Sentry et ont multiplié les dialogues sur la résilience civile et la lutte contre les menaces hybrides.
Ce contexte sécuritaire détérioré a finalement catalysé un partenariat de confiance, fondé sur une même lecture des menaces, une volonté de partage et de développement de capacités communes (interopérabilité mais aussi économie d’échelle et efficacité rustique propres à la culture suédoise).
Qu’est-ce que l’approche de la « défense totale » suédoise ?
La défense totale suédoise (Totalförsvar) est un concept intégré de défense du territoire, articulant la puissance militaire et la résilience de la société civile. Elle a été conceptualisée pendant la neutralité de la Suède et de la Finlande durant la guerre froide dans un rapport de nation de taille moyenne face à l’ours soviétique.
Elle repose sur la mobilisation de l’ensemble de la société, c’est-à-dire la capacité collective de l’État, des collectivités, des entreprises et des citoyens à résister communément à une agression armée tout en assurant la continuité des fonctions vitales et celles des opérations militaires. Chaque acteur doit alors être capable d’agir en autonomie pendant trois mois. « La défense est organisée pour et par les citoyens ».
Ce modèle, réactivé progressivement depuis 2014 (annexion de la Crimée) et accéléré depuis 2022 (invasion de l’Ukraine), incarne la volonté suédoise d'assurer une défense globale, cohérente et crédible face aux menaces contemporaines. Il s’appuie notamment sur la conscription, le service civil, une planification inter-agences à tous les échelons (local, régional, national) et une coordination avec les forces armées. Des acteurs clés comme l’Agence de protection civile (MSB), la Garde nationale (Home guards) et l’Agence de défense psychologique possèdent des attributions spécifiques. Mais les entreprises, privés comme publiques, sont responsables d’assurer la continuité des secteurs critiques.
L’approche suédoise suscite aujourd’hui en France une réflexion sur la résilience nationale, dans un contexte d’accroissement des menaces hybrides et d’un retour à la conflictualité de haute intensité. Elle fascine par sa capacité à mobiliser le corps social, particulièrement cohésif et engagé dans le collectif. L’illustration en est la recommandation formulée dans le livret « En cas de crise ou de guerre » : « Si la Suède est attaquée par un autre pays, nous n’abandonnerons jamais. Toute information selon laquelle la résistance doit cesser est fausse ».
Comment l’adhésion de la Suède à l’OTAN a-t-elle impacté notre relation de défense ?
L’adhésion de la Suède à l’OTAN le 7 mars 2024 est l’aboutissement d’une intégration progressive d’un partenaire déjà très actif.
Dans les années 2000, la Suède faisait déjà partie des pays « abling et willing » avec ses contributions en Afghanistan, en Afrique (notamment l’opération Takuba emblématique de nos opérations conjointes), en Libye et au Moyen-Orient. Stockholm participait depuis longtemps à des exercices conjoints (Baltops, Cold Response, Aurora) et coopérait étroitement avec les Alliés, notamment via le Partenariat pour la paix.
Cette intégration au sein de l’alliance facilite désormais une interopérabilité avec les forces françaises et avec les alliés, renforce les logiques de planification commune et élargit le cadre des échanges stratégiques. La France y voit l’opportunité de poursuivre des synergies opérationnelles en mer Baltique et dans l’Arctique, mais aussi de partager ses retours d’expérience. Depuis l’adhésion, des exercices interalliés comme Nordic Response 2024, les détachements ACE de février 2025 à Luleå ainsi que les opérations comme Baltic Sentry ont illustré cette dynamique. L’intégration suédoise à l’OTAN s’inscrit donc dans une logique de continuité et ouvre de nouvelles perspectives à la coopération franco-suédoise sur les théâtres nordiques, au sein de l'OTAN et dans le cadre d’une Europe de la défense.
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