Comment le cyber transforme le champ de bataille

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 01 janvier 2025

Révolutionnaire au même titre que l’atome en son temps, l’intelligence artificielle se fait une place grandissante sur le champ de bataille. Exemple avec la guerre acoustique. La Marine nationale mise sur l’intelligence artificielle pour assister les « oreilles d’or » dans l’analyse des détections acoustiques. Le capitaine de frégate Vincent Magnan, commandant le Centre d’interprétation et de reconnaissance acoustique (CIRA), présente les capacités de ce nouvel outil.

L’IA assistera les oreilles d’or dans l’analyse des détections acoustiques. © PM Fabien Eustache/Marine nationale/Défense

Cet article est tiré du premier hors-série d’Esprit défense 2025

Lire le magazine

Qu’est-ce que la guerre acoustique ?

La guerre acoustique est l’action de prélever des sons dans l’eau dont les caractéristiques techniques permettent de dégager des conclusions tactiques, le tout sans élever le niveau de crise et en toute discrétion. Concrètement, cela permet d’identifier la nature et les positions des navires environnants à partir des sons émis par leurs appareils propulsifs et leurs équipements spécifiques.

Avec ces informations, nous sommes en mesure tout d’abord de les identifier formellement, puis de connaître leur vitesse de navigation et de mettre en place une manœuvre tactique pour les pister ou s’en éloigner.

Comment l’intelligence artificielle va-t-elle vous aider dans cette mission ?

Dans cette guerre acoustique, nous sommes confrontés à deux éléments de contexte majeurs. Premièrement, le trafic maritime est en forte augmentation. Deuxièmement, nos équipements de détection acoustique sont de plus en plus nombreux et performants.

Ces deux facteurs accroissent considérablement la quantité de données à traiter – un défi de taille. À la fois à terre en temps différé pour l’analyse acoustique de tous les signaux qui sont transmis au Centre d’Interprétation Acoustique, et aussi en mer à bord des sous-marins et des navires" "pour une classification et une identification formelle en temps réel. Pour y répondre et accélérer le temps d’analyse de ces données ainsi que le temps de réaction, nous envisageons aujourd’hui le recours à l’intelligence artificielle. Cette dernière aidera prochainement les analystes en guerre acoustique (les oreilles d’or) à trier les sons afin d’orienter l’attention des opérateurs sur les seuls signaux utiles à forte valeur ajoutée, sur lesquels ils pourront apporter leur compétence métier.

Le projet est aujourd’hui en phase de développement avec le soutien de l’Agence ministérielle pour l’intelligence artificielle de défense (Amiad) notamment, et évidemment l’objectif fixé est un usage opérationnel d’ici à quelques années.

Quels types de bâtiment bénéficieront de cette technologie ?

Notre objectif est d’en faire bénéficier tous les bâtiments de la Marine nationale ainsi que nos centres d’analyse à terre : les sous- marins d’aujourd’hui et de demain, les frégates ainsi que les aéronefs de patrouille maritime, qui font aussi de la guerre acoustique passive, seront également concernés. À l’instar des drones sous-marins et des planeurs sous-marins qui permettront, grâce à l’intelligence embarquée, de transférer rapidement de la donnée acoustique utile sur laquelle un analyste pourra apporter sa plus-value.

Quelle place occupe aujourd’hui l’intelligence artificielle dans les missions de la Marine nationale ?

Les champs d’application sont aujourd’hui nombreux. Je pense notamment aux domaines
de l’électromagnétique et de l’imagerie, qui sont sur des niveaux de maturité en constante évolution. À terme, notre objectif est justement d’être capables de fusionner les informations acoustiques avec les informations électromagnétiques, visuelles et satellites, de façon à affiner et à améliorer la performance des algorithmes. Les gains opérationnels sont clairs. Il s’agit d’améliorer notre temps de réactivité et de placer nos analystes sur les seules phases utiles.

Par Kévin Savornin

 

La France face aux guerres d’aujourd’hui et de demain

Retour de la guerre de haute intensité, transformation de l’armée de Terre, défense de l’espace aérien, retour du combat en mer, conséquences du changement climatique, ruptures technologiques… 

Voir le dossier spécial

A la une