Série documentaire : Auschwitz, des survivants racontent
Il y a 80 ans, le camp de concentration d’Auschwitz fut découvert et, avec lui, toutes les horreurs qui s’y étaient déroulées. Pour ne pas oublier, Catherine Bernstein a écrit et réalisé
la série documentaire « Auschwitz, des survivants racontent, diffusée le 27 janvier dernier sur France 2. Elle retrace l’histoire de 44 déportés, aux avant-bras tatoués d’un numéro, témoins de la machine d’extermination des Juifs.
Article publié dans Esprit défense n° 14 (mars 2025), consacré à la désinformation.
Lire le magazineVotre série documentaire retrace l’histoire de 44 déportés, aux avant-bras tatoués d’un numéro, témoins de la machine d’extermination des Juifs. Pourquoi avez-vous souhaité la réaliser ?
Catherine Bernstein. Je faisais partie des trois personnes qui ont recueilli les témoignages de 115 anciens déportés, justes* et enfants cachés pendant la guerre, en 2006. C’était une initiative de Simone Veil, alors présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, avec la collaboration de l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Ces témoignages sont restés ancrés en moi. Par la suite, j’ai cherché à les partager ; j’étais dépositaire de cette mémoire. La transmission est d’ailleurs une obsession des survivants dès leur arrivée au camp. Très tôt vient l’idée que s’il y en a un qui survit, il doit raconter. Je me suis dit qu’en mettant mon savoir-faire de réalisatrice au service de cette mémoire, nous pourrions entendre des récits individuels qui, par leur nombre, forment un récit collectif.
« Si quelqu’un survit, il doit raconter. »
- Scénariste et réalisatrice de la série documentaire.

Pourquoi maintenant ?
Cette année, nous commémorons la découverte du camp d’Auschwitz 80 ans auparavant. Cette date marque aussi la disparition progressive des témoins. Ils ont, très souvent, fait partager leur histoire dans les écoles, ce qui a généralement frappé les élèves. C’est ce que j’ai essayé de faire à une plus grande échelle.
Vous n’hésitez pas à insérer des scènes de vie joyeuses, qui frappent en comparaison de l’horreur de la déportation. Quel message souhaitiez-vous ainsi faire passer ?
Je voulais montrer que ce sont des vies ordinaires – à travers des scènes à l’école, autour d’un repas, d’une vie de famille, qui ont été englouties. Montrer aussi comment une partie des citoyens va être choisie arbitrairement pour être la cible d’une chasse à l’homme à l’échelle d’un continent.
Vous avez utilisé les témoignages de 44 survivants qui se répondent entre eux. Était-ce important, pour vous, de raconter leur histoire de cette manière ?
Oui. J’ai vu beaucoup de documentaires appuyés par des historiens et pour moi 10 000,
100 000, un million de personnes… cela restait une abstraction. Pourtant, quand j’écoute le vécu de ces gens, qui étaient des jeunes gens à l’époque, je comprends concrètement ce que veut dire une loi d’exclusion. Je me mets à la place de la jeune fille qui devait porter l’étoile jaune pour sortir dans la rue, comme on porte une marque d’infamie, visible de tous.
Comment avez-vous appréhendé ce travail, le fait d’explorer ces histoires douloureuses ?
Dans une première phase, je me suis replongée dans les témoignages sur le site de l’INA. J’ai écrit le projet avec des chapitrages chronologiques, géographiques et thématiques. Je me suis ensuite enfermée pendant huit mois avec une monteuse, pour faire concrètement les films. Ensemble, nous sommes passées par toutes sortes d’émotions, mais je me sentais honorée d’avoir la chance, grâce à France Télévisions, de pouvoir réaliser ce documentaire. J’étais investie de quelque chose de plus grand que moi.
Vous avez aussi reçu une subvention de la Direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA) du ministère des Armées. Qu’a-t-elle permis ?
Je suis très contente d’avoir obtenu cette aide et, avec elle, l’aval de la commission de la DMCA composée d’historiens. Pour le producteur, c’est une caution financière importante, car les archives coûtent très cher. Grâce à ce soutien, nous avons aussi fait appel à un dessinateur pour reconstituer le camp à ses différentes étapes de construction. J’espère ainsi que ces modules courts de 40 minutes pourront être projetés dans les lycées afin de faire partager cette mémoire.
* Les non-Juifs qui ont risqué leur vie pour soustraire des Juifs aux persécutions des nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.
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