40e Journées européennes du patrimoine : la face cachée des Invalides

Direction : SGA / Publié le : 14 septembre 2023

REPORTAGE - Vous l’avez peut-être déjà visité, mais connaissez-vous réellement l’Hôtel national des Invalides ? Installé sur les bords de Seine depuis plus de 350 ans, ce joyau du patrimoine parisien bâti sous Louis XIV et qui a accueilli près de 40 000 visiteurs aux JEP de 2022 ne révèle pas tous ses secrets au premier coup d’œil.

La coupole des Invalides © Minarm/SGA/COM

Par Marguerite Silve Dautremer.

Depuis le pont Alexandre III, le célèbre dôme doré des Invalides scintille et ne passe pas inaperçu dans le paysage de la capitale. Recouvert de de 550 000 feuilles d’or fin, il demeure le monument le plus haut de Paris jusqu’à la construction de la tour Eiffel en 1889. Au sommet de la voûte du pavillon central, des soleils à visage humain ornent la façade, symbole directement lié au souverain de l’époque, Louis XIV, l’emblématique Roi Soleil.

Fondées par ce dernier en 1670, la fonction première des Invalides est hospitalière. Sur place, les soldats blessés qui ont servi dans son armée, la plus grande d’Europe, sont logés, nourris et soignés. Plus de 4 000 vétérans vivent alors entre ses murs, avec parmi eux les mousquetaires blessés au combat. Selon Sylvie Le Ray-Burimi, conservatrice du patrimoine et cheffe du département beaux-arts et patrimoine au Musée de l’Armée : « Il s’agissait pour le Roi de témoigner sa reconnaissance envers des soldats qui s’étaient sacrifiés au service des armes et qui avaient été brisés par la guerre. Il fallait leur permettre de poursuivre une existence dans des conditions dignes, pour certains de se reconstruire, voir même de retourner sur le front, ou d’entamer une carrière dans la vie civile ».

Aujourd’hui les Invalides se caractérisent par une pluralité de fonctions : la première, toujours d’actualité 353 ans plus tard, est hospitalière, avec une maison de retraite et un hôpital au service des militaires blessés. L’édifice est aussi le lieu de prise d’armes présidentielles, le lieu d’hommages rendus aux soldats tombés en opérations extérieures et également à de grandes figures de la Nation. « Le lieu a aussi une vocation patrimoniale et abrite depuis la fin du 19e siècle trois musées : le musée de l’Armée, le musée des Plans-Reliefs et le musée de l’Ordre de la Libération ».

© Minarm/SGA/COM

Paris à l’heure allemande : le dôme des Invalides, insoupçonnable planque d’aviateurs alliés

Ouvert au public pendant les Journées du patrimoine, ce lieu renferme l’un des épisodes les plus secrets de la Seconde Guerre mondiale. Alors que les Invalides se muent en une véritable fourmilière allemande avec la présence de la Wehrmacht qui transforme les lieux en caserne, le citoyen français Georges Morin qui vit dans une aile du monument avec son épouse Denise et sa fille, Yvette, et travaille sur place en tant que fonctionnaire de l’Onac, entreprend de cacher des aviateurs alliés : pendant trois ans, des pilotes Britanniques, Canadiens et Américains se cachent sous la charpente du dôme, au nez et à la barbe des Allemands : « En relation avec la filière de résistance Evasion-Vengeance, M. Morin a caché plus de cent-trente aviateurs de 1942 à 1944. Les époux Morin ont été dénoncés et arrêtés le 5 juillet 1944. Georges Morin est décédé en déportation, mais son épouse et sa fille sont revenues vivantes de Ravensbrück. L’un des aviateurs a laissé une trace infiniment émouvante de son passage sur la terrasse supérieure du dôme en gravant son nom et les raisons de son séjour aux Invalides où il avait pu se cacher en attente de son rapatriement vers l’Angleterre » raconte Mme. Le Ray-Burimi.

Cette trace, qui prend la forme d’un graffiti « John, Royal Air Force 1944 », sera présentée au public pendant les Journées du patrimoine dans le parcours « Les Invalides vues d’en haut ».

Napoléon 1er et les Invalides

Dans la cour d’honneur, une statue de Napoléon, fondue dans les canons autrichiens, trône sous les arcades. Indissociables du dernier empereur des Français, les Invalides ont été marquées à jamais du sceau de Napoléon 1er : « Napoléon a apporté aux Invalides une dimension d’unité nationale, en rapatriant les tombes de Turenne et de Vauban qui avaient été profanées pendant la Révolution à la Basilique Saint-Denis. Par cela il a souhaité réconcilier le régime du Consulat puis de l’Empire avec l’Ancien régime » raconte Mme Le Ray-Burimi. Napoléon redonne ensuite sa fonction première aux Invalides, hospitalière, qui perdure jusqu’à aujourd’hui : « C’est un cas tout à fait exceptionnel d’un édifice du Grand Siècle qui a gardé, grâce à Napoléon, sa vocation originelle » souligne la conservatrice du patrimoine.

Après sa mort, Napoléon confirme la vocation de Panthéon militaire des Invalides en étant inhumé sur place : « Cette tombe est devenue un facteur d’attraction majeur pour l’édifice, au point même d’éclipser la figure du fondateur, Louis XIV » ajoute-elle.

Cent mètres plus bas sous la coupole, le mausolée de Napoléon renferme aussi son lot de secrets. Construit dans une roche sédimentaire, le quartzite rouge, vieille de deux milliards d’années, le corps de l’Empereur repose dans cinq cercueils, selon la coutume égyptienne. Le premier en fer blanc, le deuxième en acajou, le troisième et le quatrième en plomb et le cinquième en ébène noir, sur lequel il est inscrit « Napoléon ». Sous le tombeau de l’Empereur, la crypte, dont les ferronneries des serrures reprennent la forme de Légion d’honneur (créée en 1802 par Napoléon, alors 1er Consul), abrite les corps de Rouget de l’Isle, compositeur de la Marseillaise et celui du général Leclerc de Hauteclocque, qui contribue à la Libération de Paris en 1944. Une tombe reste encore inoccupée, réservée au gouverneur de Paris.

A quelques mètres de son père, Napoléon II repose lui-aussi aussi sous la coupole. Information non divulguée d’emblée au visiteur, c’est en réalité Adolf Hitler, qui en 1940 accède à une vieille requête française, pensant s’attirer les bonnes grâce de la population : le retour des cendres de l’Aiglon, fils de Napoléon Bonaparte et de Marie-Louise d’Autriche, mort en exil à Vienne en 1832. La cérémonie a lieu aux Invalides le 15 décembre 1940, 100 ans jour pour jour après le rapatriement de Napoléon Bonaparte.

Le saviez-vous ? L’église Saint-Louis des Invalides, deuxième cathédrale de Paris

Saviez-vous que Notre-Dame de Paris n’est pas la seule cathédrale de la capitale ? L’église Saint-Louis des Invalides en est une aussi. Erigée en siège du vicariat aux Armées dans les années 1960, cela implique que ce même vicariat possède sa propre cathédrale : l’église Saint-Louis des Invalides est alors retenue. Plus tard, en 1986, la cathédrale Saint-Louis des Invalides devient officiellement cathédrale du diocèse aux Armées françaises. Toute l’année y ont lieu des messes. Pour s’y marier ou être baptisé, il faut avoir un lien de parenté avec l’armée.

La cour d'Honneur des Invalides © Minarm/SGA/COM/E.Rabot

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