Catherine Bourdès : « Les référents mixité-égalité : gardiens du bien vivre ensemble »
ENTRETIEN - À l’occasion du séminaire annuel des référents mixité-égalité à Balard le 29 septembre, Catherine Bourdès, directrice de projet Mixité et Haute fonctionnaire à l'égalité des droits au ministère des Armées est revenue sur le rôle essentiel de ces personnels civils et militaires volontaires. Dans un format novateur, les thématiques autour de la formation des référents et de leur mission étaient au cœur de cette journée d’échanges.
Séminaire intervenant plus tôt dans l'année, ordre du jour plus dense (durée allongée d'une demi-journée à une journée entière), audience élargie aux établissements publics, aux associations du ministère et à la société civile, profils des intervenants plus variés, journée filmée par l'ECPAD pour pouvoir être diffusée au référents non disponibles à cette date ou en trop grand décalage horaire.. Voilà quelques-uns des changements introduits cette année par la Haute fonctionnaire à l'égalité des droits. « C'est un séminaire nouvelle formule », a annoncé la HFED en s'adressant aux référents présents dans la salle et par Skype.
Introduisant la séance, le général de corps d'armée Benoit Paris, adjoint au directeur des Ressources Humaines du ministère, a quant à lui livré sa vision de la mission d'un référent : « Cette action je la vois sous différents aspects. D'abord une veille et écoute de tous les instants, avec beaucoup de sensibilité et de délicatesse tant il peut y avoir des situations difficiles ou de souffrance. Il faut que nous sachions collectivement les prendre en compte et les résoudre avec le plus d'humanité possible, car ce sont des situations qui souvent sont des révélateurs de difficultés plus profondes ».
Ce séminaire a notamment été marqué par l'intervention de Catherine Moyon de Baecque, ancienne athlète et l'une des premières femmes à avoir signalé les violences sexuelles dans le sport.
Entretien avec Catherine Bourdès, Commissaire Générale, Haute fonctionnaire à l'égalité des droits, directrice de projet Mixité au ministère des Armées.
Catherine Bourdès, qu'entend-on par référent mixité-égalité ?
Catherine Bourdès : La mission d'un référent mixité-égalité est double : être à l'écoute des agents sur le terrain, les informer sur les questions liées à l'égalité et à la mixité, les accompagner vers les dispositifs de signalement si besoin, mais aussi avoir un rôle d'appui au commandement sur ces questions. Il s'agit de diffuser au plus près des agents la vision du ministre en matière de mixité et d'égalité femme-homme : avoir des idées traduites dans une politique et un plan d'actions est une chose, mais si l'on souhaite que la culture et les attitudes changent réellement, il faut agir au plus près du besoin.
Le ministère a donc créé cette fonction en 2019. Les référents mixité-égalité fonctionnent par couple : il est important d'avoir un homme/une femme, un personnel civil/un personnel militaire, afin de disposer d'approches, de sensibilités et de réseaux différents. Ce sont principalement des volontaires qui endossent cette responsabilité, en plus de leurs propres fonctions, et qui acceptent de servir de relais au sein de leur organisme (armées, directions et services, mais aussi établissement publics et organismes directement rattachés au ministre, comme le contrôle général). Aujourd'hui, nous en comptons presque 1 200, soit quasiment un couple par organisme.
Les référents sont formés par leur employeur, et bénéficient une fois par an d'un séminaire organisé par la Haute fonctionnaire à l'égalité des droits. Il s'est tenu cette année le 29 septembre, à Balard. Nous avons voulu faire évoluer ce grand rendez-vous sur la base des demandes des référents, en passant d'une demi-journée à une journée entière et en élargissant les participants en qualité (sont accueillis cette année, en plus des RME, des représentants du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), des associations du ministère et des présidents de catégorie de la plaque parisienne) et en quantité, sur place et à distance (ce séminaire sera filmé pour pouvoir être diffusé auprès de tous les RME).
Nous avons aussi voulu ouvrir le champ des intervenants, en faisant intervenir des autorités du Service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes (SDFE), un officier espagnol qui a présenté l'approche du domaine par son pays, la HFED du ministère de l'Intérieur (MININT) qui a présenté les actions de son ministère, très semblable au nôtre dans ses spécificités. Nous avons aussi reçu Catherine Moyon de Baecque, la « Marianne du sport », ancienne athlète de haut niveau victime de violences sexuelles et qui combat désormais ces pratiques au sein du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), et une chercheuse du CNRS, pour nous présenter le fruit de ses recherches sur les stéréotypes de genre. Nous sommes là pour expliquer aux référents mixité qu'ils s'inscrivent dans un mouvement plus large, sociétal, qui touche l'ensemble du monde démocratique, et qu'ils sont les gardiens, au sein du ministère des Armées, du bien vivre ensemble ».
Le terme de référent mixité-égalité couvre deux choses : la mixité (lancée en premier) correspond aux efforts qui sont consacrés aux personnels militaires, l'égalité concerne le personnel civil.
Le rôle des référents mixité-égalité pourrait-il aller plus loin que les rapports homme-femme ?
C.B : C'est une bonne question, car il y a des réflexions à l'heure actuelle en interministériel pour élargir la feuille de route « égalité » aux questions de diversité, qui sont, elles, beaucoup plus larges : il y a diversité sociale, diversité religieuse, etc. Le ministre m'a d'ores et déjà demandé d'y réfléchir.
Quel était le but de ce séminaire ?
C.B : Il y avait deux aspects importants : celui, initial, de l'information des référents, et celui, nouveau, de l'apport d'une vision plus haute de leur domaine. Nous essayons de leur montrer le cadre plus large, national et international, dans lequel ils s'inscrivent.
Mon rôle est d'animer ce réseau, et donc ce séminaire : je dois apporter des informations concrètes sur le domaine auprès de ceux qui n'auraient pas bénéficié de formation par leurs employeurs (c'est parfois le cas des personnels éloignés du MINARM, soit géographiquement, soit par le positionnement excentré de leur organismes). Parallèlement, pour les référents qui connaissent déjà le sujet, je dois ouvrir de nouvelles perspectives. C'est pour cette raison, par exemple, que j'ai fait intervenir Catherine Moyon de Baecque, ancienne athlète et l'une des premières femmes à avoir signalé les violences sexuelles dans le sport. Aujourd'hui co-présidente de la Commission de Lutte contre les violences sexuelles et discriminations au sein du CNOSF, elle est en quelque sorte la « Marianne du sport ». Elle a expliqué aux référents ce que c'est qu'être une victime, mais également l'importance des dispositifs de signalement.
Diriez-vous que le ministère des Armées, qui est, tout de même, un environnement majoritairement masculin, avait peut-être davantage besoin de référents mixité-égalité ?
C.B : Les référents mixité sont indispensables dans tous les milieux. Mais ce qui est étonnant et assez contre-intuitif pour l'observateur extérieur, c'est que les référents « mixité » ont été créés dans les armées il y a plus de vingt ans, bien avant la vague #Metoo, et très longtemps avant que les ministères ne se voient imposer la création de référents « égalité ». C'est d'ailleurs l'armée de Terre, que l'on perçoit souvent comme une entité plutôt viriliste, qui la première a développé le concept : ses chefs militaires avaient suffisamment de recul, de compréhension de l'environnement humain et de leurs responsabilités de commandement, pour réaliser qu'il y avait un besoin, et qu'il fallait placer au plus près des troupes une personne capable de s'assurer que la féminisation se passait dans les meilleures conditions. Ce n'est pas surprenant quand on connaît la notion de « rôle social de l'officier » pensée par le maréchal Lyautey, qui a fortement marqué les esprits militaires.
Par ailleurs, il faut se rappeler que c'est le ministère des Armées qui a élaboré le premier dispositif ministériel de signalement, avec la création de la cellule Thémis en 2014, qui a servi de modèle à l'ensemble des dispositifs de signalement des autres ministères. Enfin, il faut savoir que le ministère dispose de deux plans destinés à la promotion des femmes : outre le plan Egalité professionnelle entre les femmes et les hommes civils du ministère (2020-2023), il dispose depuis 2019 d'un plan Mixité, dédié aux personnels militaires dont les spécificités, inconnues des autres ministères, méritaient d'être mieux prises en compte. Le ministère des Armées est donc certes un ministère moins féminisé que les autres, par la force des choses, mais il a su en même temps se positionner comme précurseur en matière d'égalité entre les femmes et les hommes.
Quel message devons-nous retenir de ce séminaire ?
C.B : Chaque RME est personnellement le gardien du bien vivre ensemble. L'égalité femme-homme est essentielle pour la performance opérationnelle et organique du ministère. En l'état, si on arrête de recruter des femmes, les armées ne fonctionnent plus, tout simplement. Mais les recruter ne suffit pas : si nous voulons que ces femmes militaires demeurent dans l'institution, nous devons leur offrir des conditions et une ambiance de travail dans laquelle elles peuvent s'épanouir.
Les employeurs sont attentifs à améliorer les conditions de travail, mais pour s'assurer que le quotidien de ces femmes n'est pas dénaturé par un entourage ou une ambiance de travail toxiques, les capteurs que représentent ces référents sont essentiels : ce sont des « pompiers volontaires », qui vont intervenir en amont pour éviter qu'une situation ou des relations de travail ne se dégradent, en conseillant la hiérarchie et en recevant les doléances des personnes qui veulent signaler un problème. Je trouve la comparaison avec le feu très parlante : il suffit d'un verre d'eau pour éteindre un début d'incendie, mais il faut un Canadair quand on l'a laissé se développer sans contrôle.
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