Journées du patrimoine : les secrets du palais du gouverneur de Metz

Direction : SGA / Publié le : 21 septembre 2023

REPORTAGE - Le palais du gouverneur de Metz ouvrira ses portes au public les 16 et 17 septembre 2023. Bâti en 1902 sous le règne du dernier Kaiser Guillaume II, il était l’hôtel de commandement du 16e corps d’armée allemand. Fleuron du patrimoine messin, l’actuel lieu de résidence du gouverneur militaire de la région Nord-Est a accueilli plus de 5 200 visiteurs lors des JEP de 2022 et en attend autant cette année. 

La façade principale du palais du gouverneur de Metz © Minarm/SGA/COM

Par Marguerite Silve Dautremer.

À Metz, le passé germanique se lit sur les façades des immeubles du quartier impérial. Ancienne citadelle frontalière, Metz a partagé son histoire entre la France et Allemagne pendant un demi-siècle, de 1871 (date à laquelle l'Alsace et la Lorraine sont annexées) à 1918.

En 1888, le nouvel empereur d'Allemagne Guillaume II entreprend de germaniser Metz. Objectif : manifester la puissance impériale allemande et faire de la ville une vitrine du progrès, sous toutes ses formes. Il fait raser les remparts Est et Sud de la ville pour libérer de vastes terrains et ordonne la construction de plusieurs équipements. Côté militaire, le 16e corps d'armée est créé en 1890 et il est décidé de construire un hôtel de commandement. Édifié par Conrad Wahn, architecte en chef de la ville de Metz durant l'annexion, le palais du gouverneur sort de terre deux ans plus tard et le général Louis Stoetzer prend officiellement possession des lieux le 15 février 1905. Construit dans un style néo-renaissance rhénane, la somptueuse bâtisse en pierre de Jaumont destinée à héberger un État-major restreint devient aussi le pied-à-terre de l'Empereur et de sa famille, qui disposent alors de somptueux appartements privés.

Une résidence impériale

Sur le toit du palais, le drapeau tricolore flotte silencieusement à la brise matinale. L'entrée se fait par un perron à l'architecture ornementale majestueuse, le même que franchissait cent-vingt ans plus tôt l'Empereur, lors de ses visites.

Dans le hall d'entrée, le bureau du gouverneur fait face à un imposant escalier de bois menant aux étages, là où se trouvaient jadis les salles de réceptions et appartements. En levant la tête, de superbes vitraux réalisés par le maître-verrier lorrain Michel Thiria (1867-1938) filtrent la lumière, révélant les armoiries de Metz et les blasons colorés des garnisons de la région Grand Est : « Sedan », « Verdun », « Mézières », « Thionville » … « Ces vitraux ont été posés en 1925, en remplacement des vitraux d'époque jugés trop germaniques. C'est le même maître-verrier, Michel Thiria, qui 25 ans plus tard a reçu cette deuxième commande pour le palais » précise M.Bettannier, en charge de la communication des lieux. Une imposante tapisserie d'Aubusson représentant un aigle, symbole germanique par excellence et dont l'envergure suggère la forme du bâtiment, surplombe l'espace.

Guillaume II sur le perron du palais du gouverneur, en 1908 © Alain Carmet/collection CPA

La suite de la visite conduit dans une succession de pièces et de salons dont l'usage variait selon les occasions de l'époque. Lors de ses venues, Guillaume II y organisait des réceptions où se côtoyaient militaires et haute société messine. « Au moment de l'annexion, beaucoup de messins ont décidé de fuir la région car ils refusaient l'occupation, d'autres décident d'opter pour la nationalité allemande. La population se germanise ainsi progressivement » nous indique le Lieutenant-Colonel Karl Flambry, chef de cabinet du gouverneur militaire de Metz. La salle d'armes témoigne du faste de l'époque. Dessinée en 1904, elle fut une salle de réception et de bal, comme en témoigne la délicate loge des musiciens (Musikloge) qui pouvait accueillir trois à quatre instrumentistes. Ses larges portes à galandages, innovation technique pour l'époque, mènent au petit salon des oiseaux, antichambre de la salle de bal richement décorée de petits volatiles en stuc.

La loge des musiciens de la salle d'armes © Minarm/SGA/COM

Le salon chinois réserve aussi son lot de surprise. Entièrement tapissé de motifs asiatiques, il fut à l'origine le salon d'accueil (Empfangs Salon) destiné aux invités du général gouverneur avant d'être reçus dans la pièce attenante. « Ce salon atteste du goût que pouvait avoir Guillaume II pour tout ce qui provenait de l'Empire du Milieu. Toutes les familles aisées européennes se faisaient fort de disposer chez elles d'objets ou d'une pièce qui était décorée selon le goût asiatique » explique le Lieutenant-Colonel Karl Flambry. 

La visite se poursuit à travers d'autres pièces en enfilade: la salle à manger impériale et la verrière de l'Impératrice, ou​ le salon Guillaume II et son poêle en faïence d'apparat, l'un des rares vestiges du mobilier : « Il ne reste quasiment aucun meuble d'époque du fait des deux conflits mondiaux qui ont vu à chaque fois le bâtiment pillé ou vidé. Ce poêle n'avait qu'une fonction décorative, puisque le bâtiment était équipé d'un système de chauffage central installé dans les sous-sols, autre prouesse technique d'antan ». Sur une console repose une photo en noir et blanc, celle du Colonel de Gaulle, chef de corps du 507e RCC à Metz en 1938.

De retour au rez-de-chaussée, un impressionnant ours brun empaillé attire l'œil du visiteur. Offert par les Russes aux Français, il est dans un premier temps amené à Toul où le 160e régiment d'infanterie tient garnison. A la dissolution de ce régiment en 1923, le général Bertholot, alors gouverneur de Metz, en « hérite ».

Le gouverneur militaire de Metz - Il assure quatre fonctions : Commandant d'armes de la garnison de Metz, représentant du chef d'Etat-major des Armées dans les régions Grand-Est et Bourgogne-Franche-Comté (soit 50 000 militaires et agents civils, 12 grands commandements et états-majors, 31 régiments et 3 bases aériennes), commandant de la zone Terre Nord-Est (40% des unités terrestres en France), commandant des forces françaises et de l'élément civil stationnés en Allemagne.​​

La tour d'Enfer : l'un des endroits les plus secrets de l'histoire de Metz

Le clou de la visite se situe à quelques mètres de là, enfoui sous les jardins du palais. Dissimulé au pied d'un Cèdre du Liban, l'orifice d'un souterrain aux allures de grotte préhistorique apparaît. Surnommé « la Tour d'Enfer », il est en réalité le vestige exceptionnel d'une tour médiévale de trois étages ayant appartenue aux fortifications du Metz moyenâgeux. « Cette tour a été construite en 1515 et a subi les assauts de Charles Quint lors du siège de Metz, en 1552. Elle est plus tard arasée, puis enfouie sous terre lors de la construction de la citadelle en 1565 par les Français », raconte le LCL Flambry.

Redécouverte plus de 300 ans plus tard par les Allemands lors de la construction du palais, elle est intégrée dans ses plans. Le LCL poursuit : « Pendant la Seconde Guerre mondiale, la tour a aussi servi aux Allemands comme abri anti​aérien et centre de communication lorsque le bâtiment était occupé en tant que kommandantur. Il existe une anecdote originale sur cette tour. Quelques jours après la libération de Metz en novembre 1944, les Français qui ont récupéré le bâtiment, ont été surpris de voir sortir de terre dix soldats allemands qui s'y étaient réfugiés, forcés de se rendre faute de vivres ! ».

Le palais ​fut occupé en tant que kommandantur pendant la Seconde Guerre mondiale​ © Collection Christian Fauvel

Quinze mètres plus bas, la lumière s'étiole et la température chute de plusieurs degrés. Arrivés au premier niveau, le visiteur se retrouve à la croisée des époques : les murs du Moyen-Âge, les canonnières du 16e siècle et la voûte en béton évoquant le passage des Allemands en 1940. Un peu plus loin, des inserts en bois courent le long des murs. Dans un coin, des câbles sectionnés, vestiges des communications allemandes, sont visibles.

Ouverte au public durant les journées du patrimoine, la « Tour d'Enfer » accueille de nombreux curieux et constitue l'un des endroits les plus secrets de l'histoire de la ville de Metz.​​

La « Tour d'Enfer », ancien abri antiaérien des Allemands © Minarm/SGA/COM

© Minarm/SGA/COM

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