Derrière l'IA, des hommes

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 31 octobre 2024

S'il y a un domaine dans lequel l'intelligence artificielle (IA) est très utile, c'est bien dans le traitement de l'information. Mais que faire de toutes ces données ? Au ministère des Armées et des Anciens combattants, des spécialistes travaillent à les optimiser, notamment au profit des forces en opération. Rencontre avec Maxime1, chef de l'équipe IA de la Direction du renseignement militaire (DRM).

Derrière l’IA, des hommes. © SCH Christian Hamilcaro/Dicod/Défense

Le rendez-vous a été fixé longtemps à l'avance et il se déroule dans une salle sans fenêtre, à l'abri des regards et des oreilles indiscrètes. Maxime arrive, un ordinateur portable sous le bras, en costume cravate et trench beige sur les épaules. Ce qui frappe au premier abord, c'est sa jeunesse. À 25 ans seulement, le voilà, depuis peu, responsable de l'équipe IA de la DRM, le service de renseignement des armées. Comment arrive-t-on à ce poste de manière aussi précoce ? Il a bien voulu nous raconter son parcours, sans trop nous révéler en quoi consistait précisément son travail pour des raisons évidentes de sécurité. Son ancien supérieur, le colonel H., était aussi présent, afin d'apporter d'autres éclaircissements sur ce métier pas comme les autres, objet de bien des fantasmes.

Après une scolarité dans un lycée de province, marquée par la pratique du football américain et le visionnage d'une série devenue culte, Le Bureau des légendes, Maxime intègre un IUT spécialité réseaux et télécoms, puis une grande école d'ingénieurs à Paris « pour faire du cyber. J'adorais les maths, les sciences, mais je ne les retrouvais pas vraiment dans cette formation. Je me suis alors dirigé vers un double cursus en intelligence artificielle, c'est là que tout a commencé. » Lors d'un salon de recrutement, un stand du ministère des Armées attire son attention. Une discussion avec la DRM qui cherche un alternant pour son Centre de recherche avancée cyber (Crac), et le voilà qui fait ses premiers pas dans un univers qu'il ne connaît que par la fiction. « Après tout de même plusieurs mois d'attente pour obtenir mon habilitation au secret de la défense nationale... Travailler ici pour un fan du Bureau des légendes, c'est un peu le Graal, s'amuse-t-il. Pour mes premières missions, on m'apportait des disques durs en provenance de terrains d'opération contenant des dizaines de téraoctets de données (photos, vidéos, etc.). C'est là que je me suis dit que, pour traiter tout cela, il fallait que je fasse appel à mes compétences en intelligence artificielle, car on n'avait que peu de temps pour fournir un retour. » Mission accomplie : au milieu de milliers de données, Maxime fournit, dans le délai imparti, le renseignement utile aux forces déployées en opération extérieure.

Durant deux ans, il multiplie les tests, manipule l'IA, l'améliore, passe de la donnée à l'opérationnel. Puis, toujours à la DRM, il intègre le bureau Artemis, le grand projet de plate-forme de la donnée du ministère des Armées, au sein duquel il devient chargé de projet. Après un an au contact des industriels du secteur, il prend au printemps 2024 la tête de l'équipe chargée de l'intelligence artificielle. Pas une mince affaire... « L'objectif de l'unité est de développer et de mettre entre les mains des utilisateurs plusieurs modules IA pouvant être intégrés dans Escrim, l'application renseignement de la DRM hébergée sur Artemis.IA, précise le colonel H., le responsable du projet à la DRM. Maxime est vraiment la personne qu'il fallait pour cela, car il est rapidement devenu une référence technique quand il était au bureau Artemis. » Un peu gêné, le jeune agent rappelle que son travail et celui de son équipe consistent, avant tout, à faciliter la tâche du personnel sur le terrain. « Notre but est de faire en sorte que l'on puisse traiter et exploiter un maximum de données en un minimum de temps, et de la manière la plus efficace possible. » Raison pour laquelle son équipe va encore s'agrandir.

Car, sans les hommes, l'IA ne sert à rien. « On la fantasme beaucoup, alors que l'on ne s'émancipera pas de l'humain, affirme le colonel H. Elle permet, surtout, de mieux sélectionner les données d'intérêt afin de gagner en efficacité. » Maxime poursuit dans ce sens : « Le rôle de l'analyste reste central. Moi, je suis là pour rendre la donnée la plus intelligible possible. » Nous voilà rassurés. Nous ne sommes pas encore près d'avoir des notes de renseignement écrites par ChatGPT...

Marc Fernandez

1 Le prénom a été modifié.

Dossier : comment l’IA transforme le champ de bataille

Révolutionnaire au même titre que l’atome en son temps, l’intelligence artificielle se fait une place grandissante sur le champ de bataille. Elle remodèle l’art de la guerre et devrait s’imposer comme l’alliée indispensable face au déluge de données qui caractérise notre époque.

Voir le dossier

Contenus associés