[Podcast] 75 ans de l’Otan : l’Alliance face à la guerre en Ukraine [2/2]

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 09 juillet 2024

A l’aune de la guerre en Ukraine, l’Otan (Organisation du traité de l’Atlantique Nord) s’est recentrée sur sa mission première : la défense collective du continent européen. Dans un contexte de retour d’une guerre de haute intensité à ses frontières, focus sur l’actualité opérationnelle et politique de l’Alliance.

Illustration du podcast "Pensez stratégique" sur les 75 ans de l'Otan © Otan

De quelle façon l’Otan renforce-t-elle sa posture dissuasive sur le flanc est de l’Europe ? Comment assure-t-elle l’interopérabilité de ses 32 membres ? Quel avenir pour la relation transatlantique ? Éléments de réponse avec le présentateur Daniel Desesquelle et ses invités :

  • Muriel Domenach, ambassadrice de la France au Conseil de l’Atlantique Nord

  • Amiral Henri Schricke, représentant militaire et de la défense auprès de l'Otan et de l'UE de 2020 à 2022

  • Camille Grand, ancien secrétaire général adjoint de l’Alliance atlantique de 2016 à 2022



 

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Soutien à l’Ukraine

« L’Otan n’est pas militairement engagée en Ukraine contre la Russie. Toutefois, elle agit pour prévenir le risque d’escalade et éviter que le conflit ne déborde sur les territoires limitrophes, y compris en mer Noire qui est bordée par des états membres de l’Alliance », rappelle Camille Grand. Concrètement, l’Otan montre sa puissance en déployant une posture robuste de dissuasion sur le flanc oriental de l’Europe. Huit bataillons sont déployés dans des pays limitrophes de la Russie.

La France assure le commandement de l’un d’eux en Roumanie à travers la mission Aigle et elle contribue au renforcement d’un autre bataillon en Estonie (mission Lynx). « Au total, nous avons plus de 2 000 militaires français déployés avec des renforts en fonction des activités que nous pouvons avoir », explique l’amiral Schricke. Pour Camille Grand, « ces opérations démontrent la solidarité entre européens ». Il ajoute que « l’assistance à l’Ukraine est venue très largement des états membres de l’Union Européenne, notamment par la formation des militaires ukrainiens ».

Le sommet de Washington, qui se tiendra du 9 au 11 juillet prochain, devrait voir le soutien à l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan réaffirmé. « Nous sommes unanimement pour l'adhésion de l'Ukraine », affirme Muriel Domenach. Tant que l’Ukraine est en guerre « ça n'aurait pas de sens de l'inviter à rejoindre l'Otan, mais nous, Français, et avec beaucoup d'alliés, nous remarquons que le chemin d'adhésion de l'Ukraine à l'Otan est irréversible », ajoute-t-elle.

[Podcast] 75 ans de l’Otan : la relation transatlantique à l’épreuve de l’histoire [1/2]

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32 armées interopérables

L’Otan, c’est aussi un immense défi technique, « bien plus complexe que le Débarquement en Normandie de 1944 », explique l’amiral Schricke. Pourquoi ? « Parce que nous ne le faisons pas à trois ou quatre, mais à 32 nations ». L’exercice Steadfast Defender 24, qui s’est déroulé de janvier à mai 2024, a donc permis de tester cette coopération entre tous les membres de l’Alliance avec 90 000 militaires mobilisés : le plus grand exercice organisé depuis des décennies. Pour l’amiral, « il ne faut pas s’arrêter aux chiffres, sinon nous allons regarder l’exercice qu’en termes de troupes ». De nombreux éléments en effet doivent être pris en compte dans ce type d’entraînement : la crédibilité des plans d’opération, la coordination des mouvements, la compréhension entre chacun des membres, le processus décisionnel… « Un véritable défi car ce sont 32 cultures et 32 vies politiques différentes », relève l’amiral Henri Schricke.

Un rééquilibrage en cours

Dans l’Otan, la question de la place des États-Unis a souvent été posée, notamment par leur investissement conséquent dans la défense, « de l’ordre d’un ou deux points de PIB de plus que leurs alliés européens » selon Camille Grand. Mais le « pivot vers l’Asie », initié par le président Barack Obama en 2014, change l’ordre des priorités de l’allié américain, plaçant l’Indopacifique en haut de la liste. « La priorité à la menace chinoise est très claire, à la fois dans l'investissement de défense et dans les priorités stratégiques américaines, affirme l’ancien secrétaire général adjoint. La guerre en Ukraine n'a que partiellement changé cet état de fait. » Pour lui, les chiffres parlent d’eux-mêmes : « Durant la guerre froide, il y a eu jusqu’à 430 000 soldats américains en Europe contre 100 000 hommes aujourd’hui durant les grands exercices (…) C'est une présence significative, mais qui n'en fait pas l'armature des armées de l'Otan en Europe. »

Ce pivot entraine une « révolution culturelle chez les Alliés » décrit Camille Grand. Selon lui, « ces débats doivent inciter les Européens à être davantage capables de réagir aux crises sans s’en remettre à l'allié américain comme étant la garantie non seulement ultime, mais immédiate de sécurité. » Cette prise de conscience passe aussi par l’investissement des Européens dans leur défense, aussi formulé comme le « partage du fardeau » souhaité par Washington. « Jusqu’en 2014 et l’annexion de la Crimée par la Russie, seuls trois États investissaient 2 % de leur PIB dans l’Otan. Aujourd’hui, nous sommes à 23 sur 32, ce qui est un vrai progrès, indique Camille Grand. Les derniers chiffres montrent en effet que les Européens investissent aujourd’hui 100 milliards d’euros par an dans l’Otan de plus qu’en 2014. »

Pour Muriel Domenach, le sommet de Washington sera un rendez-vous important pour l’Alliance. Elle ajoute que « depuis la première présidence de Donald Trump, les Américains sont peut-être moins prévisibles qu’auparavant et ils ont, depuis longtemps, un défi à la fois militaire et géopolitique considérable en Asie. […] Dans toutes les hypothèses, nous devons prendre davantage de responsabilités et renforcer notre souveraineté européenne, et ce dans l’intérêt général. »

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