Aux lendemains de l’échec du raid de Dieppe, le 19 août 1942, l’heure est au bilan. Que s’est-il passé ? « Organiser une opération amphibie de cette envergure, interalliée et interarmées, est un défi. Il n’y a jamais eu une telle opération dans la Manche, depuis la retraite britannique de Dunkerque en juillet 1940, avance le lieutenant Renaudière, doctorant en Histoire moderne et contemporaine, chargé d’études au Service historique de la défense. Jubilee, de plus, mélange plusieurs profils de soldats : une division ordinaire, déterminée à se battre mais sans aucune expérience combattante, et des groupes commandos, dont le raid – l’attaque surprise, limitée dans le temps et en moyens – est une des spécialités. »

Des enseignements précieux

« On oublie désormais les ports, ce sont des sites faciles à défendre donc difficiles à prendre. En Normandie, plutôt que de tenter la saisie d’un port comme celui de Cherbourg, les Alliés construisent le leur… » 

Les Alliés tirent des leçons de ce raid raté. « On ne lancera plus un débarquement sans s’assurer d’abord de la maîtrise du ciel. Le 6 juin 1944 par exemple, ce principe est acquis et le ciel est majoritairement tenu par les Alliés, commente Jean-Charles Foucrier, docteur en Histoire, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale au Service historique de la défense. On oublie désormais les ports, ce sont des sites faciles à défendre donc difficiles à prendre. En Normandie, plutôt que de tenter la saisie d’un port comme celui de Cherbourg, les Alliés construisent le leur : c’est la grande aventure du port Mulberry. De même, on choisit de débarquer dans cette région parce qu’elle est moins fortifiée et parce que les plages sont faites de sable… On a retenu l’expérience désastreuse des plages de galets de Dieppe, où les blindés se sont retrouvés piégés. D’ailleurs pour les chars, les fameux chars Churchill, dont Dieppe a été le premier emploi opérationnel, on les fait non seulement débarquer à marée basse mais aussi accompagner par des sapeurs dont le rôle est de déblayer la plage pour éviter les obstacles et les mines. Enfin, et surtout, on améliore la communication interarmées et interalliée, qui a péché à Dieppe. »

Un prélude au 6 juin 1944

Des enseignements qui serviront dans la préparation des débarquements suivants. « On fait souvent un lien direct entre l’opération Jubilee et l’opération Overlord, mais c’est à remettre en perspective, signale Jean-Charles Foucrier. On oublie que, entre le 19 août 1942 et le 6 juin 1944, de nombreux autres débarquements ont eu lieu : le débarquement en Afrique du Nord en novembre 1942, les débarquements en Méditerranée comme à Pantelleria en 1943 ou dans les environs d’Anzio et de Nettuno au début de l’année 1944. Overlord se nourrit de toutes ces opérations. Cela étant dit, évidemment, des leçons importantes sont tirées à Dieppe et serviront pour le “D-Day” ».

Si le souvenir de l’opération est particulièrement vivace au Canada, en France, cette opération reste méconnue. « Il y a un intérêt à commémorer cette part de l’Histoire pour honorer la mémoire des jeunes soldats, canadiens notamment, qui se sont battus avec courage dans des conditions terribles. Du côté des Français, le tout premier commando tué en opération, c’est Louis Serge Moutaillier, mort pour la France le 19 août 1942 à Dieppe lors du raid », rappelle le lieutenant Renaudière.

Pour en savoir plus :

• Opération « Jubilee », Dieppe – 19 août 1942 
• Mémorial du 19 août 1942 
• 1942, un tournant ? 
• Chronologie mensuelle de l’année 1942 
• Le tourisme de mémoire en Normandie