[SERIE] Mémoire du renseignement militaire, épisode 1 : Antoine de Saint-Exupéry, aviateur, poète… et agent du renseignement militaire

Direction : DRM / Publié le : 17 février 2025

Ils ont marqué l’histoire du renseignement français. Nous ouvrons leur dossier militaire. Dans ce premier épisode, explorons les missions de reconnaissance d’un aviateur de légende de la Seconde Guerre mondiale : le commandant Antoine de Saint-Exupéry. 

[Série] Mémoire du renseignement militaire - Antoine de Saint-Exupéry © DRM

Le 31 juillet 1944, le commandant Antoine de Saint-Exupéry décolle de Borgo, en Corse, aux commandes de son Lightning P-38 n°223. Il ne reviendra pas. Si l’histoire de sa disparition est connue, l’objectif du vol l’est un peu moins. Lorsqu’il disparaît, « Saint-Ex » est en mission de reconnaissance aérienne. Il doit produire du renseignement d’intérêt militaire, en l’occurrence du renseignement d’origine image, aujourd’hui appelé ROIM.

Observer les troupes ennemies

Antoine de Saint-Exupéry s’engage dans l’armée de l’Air après la déclaration de guerre, en 1939. Recalé pour l’aviation de chasse en raison de son âge (39 ans), il est affecté au groupe de reconnaissance photographique 2/33. « Pendant la "drôle de guerre", de septembre 1939 jusqu’à l’offensive allemande en mai 1940, Saint-Exupéry est chargé d’observer le dispositif ennemi : les positions des troupes, leur composition, leurs mouvements. Il renseigne aussi sur les voies de chemin de fer, les ponts… » explique Jean-Charles Foucrier, docteur en histoire et spécialiste de la Seconde Guerre mondiale au Service historique de la défense. 

Pour ces missions, Saint-Exupéry pilote un Bloch 174. « Cet appareil embarque deux personnels : le pilote et son coéquipier chargé d’actionner le matériel photographique, poursuit-il. Le front est relativement calme, mais les missions restent dangereuses. Les Bloch, fragiles et très peu armés, sont des cibles faciles pour la Flak, la défense contre avion (DCA) allemande. De plus, l’hiver 39-40 est rude : avec le froid, les appareils photos gèlent souvent. » 

Exposition-dossier Antoine de Saint-Exupéry, fragments d’histoire © SAFARA / Coll. musée de l’Air et de l’Espace - Le Bourget - Inv. 2007/1/511

Reconnaissance aérienne : une mission cruciale, mais risquée 

La guerre s’intensifie à partir du printemps 1940. Saint-Exupéry multiplie les missions en vol. « La reconnaissance aérienne joue un rôle prépondérant pour renseigner sur l’avancée des troupes allemandes » précise Jean-Charles Foucrier. Mais la France ne dispose pas de la supériorité aérienne : « Les vols sont extrêmement risqués. Les avions sont fréquemment attaqués par la chasse allemande et les pertes sont considérables. À plusieurs reprises, Saint-Exupéry rentre de mission avec des impacts de balle sur la carlingue. »

Après la défaite, Saint-Exupéry est démobilisé, puis s’exile à New York. Il utilise sa notoriété pour convaincre les États-Unis d’entrer en guerre. Au printemps 1943, il parvient à rejoindre à nouveau le 2/33 en Afrique du Nord, alors placé sous la tutelle des Américains. Saint-Exupéry apprend à piloter un nouvel avion, le Lightning P-38. « Le niveau technologique de ces appareils, fournis par les États-Unis, est largement supérieur à celui du Bloch » relève Jean-Charles Foucrier. « À bord, le pilote est seul. Il actionne lui-même les appareils photos. »

Commandant Antoine de Saint-Exupéry (1900-1944) © Armée de l'Air et de l'Espace

Préparer le débarquement de Provence

Promu commandant, Saint-Exupéry poursuit les missions de reconnaissance. Il s’envole le 21 juillet 1943 pour collecter du renseignement d’origine image de la Tunisie jusqu’au-dessus de la Côte d’Azur. En mai 1944, après avoir été muté dans une autre unité en raison d’une certaine nonchalance, il revient une nouvelle fois au 2/33, alors installé en Sardaigne. Le 17 juillet, le groupe est transféré à Borgo, en Corse, afin de préparer le débarquement de Provence, programmé quelques semaines plus tard. 

Le 31 juillet, Antoine de Saint-Exupéry décolle, direction les Alpes. « Il est chargé de cartographier le terrain, de détecter les positions ennemies, afin d’avoir un tableau net de la zone où les Alliés doivent débarquer deux semaines plus tard. Une mission classique, mais après 6 heures de vol, la durée d’autonomie du P-38, Saint-Exupéry ne rentre pas » relate Jean-Charles Foucrier. On ne le reverra plus.

Contenus associés