La France commémore le 80e anniversaire de la Libération
2024 marque les 80 ans des débarquements, de la Libération de la France et de la Victoire. Des plages de Normandie aux maquis savoyards des Glières et du Vercors, en passant par les destins extraordinaires, souvent tragiques, d’hommes et de femmes de la Résistance française et étrangère, plongez dans cette période charnière de l’Histoire à travers notre grand format de reportages et grands entretiens.
REPORTAGE. 80 ans de la Libération : le Mont-Valérien, à la mémoire des fusillés de la France combattante
Premier Haut lieu de la mémoire nationale du ministère des Armées, le Mont-Valérien est choisi après la guerre pour honorer la mémoire des morts pour la France de 1939 à 1945. Il devient Mémorial de la France combattante par le souhait du général de Gaulle le 18 juin 1960.
Le Mont-Valérien
Sur les hauteurs de Suresnes, l’imposante croix de Lorraine qui surplombe la place d’armes trône dans un silence de plomb. Seul le vent qui caresse les feuillages des arbres et quelques cris d’enfants jouant sur les terrains de jeux à proximité viennent interrompre de temps à autre cette paisible et chaude après-midi de juillet.
Au pied du monument en grès rose des Vosges, dans un brûloir en bronze, jaillit une flamme en continu : celle de la résistance, qu’alluma soixante-trois ans plus tôt le général de Gaulle. Gravé dans le pied de la croix un extrait de l’appel du 18 juin 1940 accueille les visiteurs : « Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance ne s’éteindra pas ». C’est ici en effet que reposent dans une crypte dix-sept combattants, dont la résistante Berty Albrecht et le dernier compagnon de la Libération Hubert Germain, inhumé le 11 novembre 2021.
Un parcours du souvenir
Quelques minutes avant le début de la visite, Zilie, 14 ans, venue avec ses parents, se confie : « Je ne connais pas cet endroit, mais je pense que c’est important de savoir ce qu’il s’est passé, c’est important pour entretenir la mémoire ». Sa mère, professeur d’histoire dans une classe de collège dans l’Aisne est ici en reconnaissance : « J’envisage cette année d’entamer un travail de mémoire sur les lettres de fusillés avec mes élèves ».
A travers les larges baies vitrées de l’accueil qui laissent entrevoir une esplanade baignée de lumière, les kakémonos plongent d’emblée les visiteurs dans l’histoire, tragique, du Mont-Valérien. Dès mars 1941, le fort militaire occupe une place centrale au sein du système répressif nazi. 1008 hommes y sont fusillés jusqu’en 1944, dont 232 condamnés à mort ou otages en 1943.
Les femmes ne connaissent pas le même sort, l’exécution par balles n’étant réservée qu’aux hommes. Considérées comme non-combattantes par nature par le code pénal allemand, elles sont déportées et décapitées dans les prisons de Cologne et Stuttgart, en Allemagne.
80 ans du Débarquement : un documentaire pour tout comprendre
Le documentaire « D-Day, 100 jours pour la liberté : La campagne de Normandie », soutenu par le ministère des Armées, réalisé par David Korn-Brzoza et Olivier Wieviorka, nous fait revivre les 100 jours qu’il a fallu aux Alliés pour libérer la région, briser les lignes de défense allemandes et ouvrir la voie à la Victoire. Olivier Wieviorka, historien, Professeur à l’université de Paris-Saclay, a répondu à nos questions.
Olivier Wieviorka, historien, Professeur à l'université de Paris-Saclay
À travers des témoignages poignants et des archives colorisées spectaculaires, David Korn-Brzoza et Olivier Wieviorka nous font revivre les 100 jours qui suivent le Débarquement, du fameux « touchdown » au bombardement du Havre par les Alliés en septembre 1944. 100 jours décisifs, tragiques et héroïques où les soldats, plongés dans un véritable enfer, écrivent l’Histoire. Cette dernière n’est pas seulement militaire : « Nous essayons de proposer une histoire globale du Débarquement » souligne Olivier Wieviorka. Au fil du récit, plusieurs éléments sont abordés : le sort des civils Normands « trop longtemps euphémisé », les troubles psychiatriques des soldats, les exactions et les viols, le point de vue allemand « très souvent oublié ».
Soutenu par la direction de la Mémoire, de la culture et des archives (DMCA) du ministère des Armées, le film sera diffusé sur TF1 le jeudi 6 juin, à 21h10.
80 ans du Débarquement : un documentaire pour tout comprendre
La Direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA) au sein du ministère des Armées met en place des actions de soutien financier aux productions audiovisuelles. Elles traitent essentiellement de l'Histoire militaire de la France et de la mémoire des conflits du XXe siècle, qui valorisent le patrimoine du ministère et renforcent le lien Armée-Nation. Au cours de ces trois dernières années, plus de 100 productions audiovisuelles ont été soutenues.
« Le ministère des Armées est un opérateur très important dans la production du savoir et dans la transmission de la mémoire. Il est le conservateur des archives. Donc, suivant à la fois les règles qu’il applique en termes de communication, mais également toutes les facilités qu’il offre, ou non, aux lecteurs, il aide à la production d’un savoir historique (…). Grâce à son soutien matériel et financier, il peut aider à publier des livres, fabriquer des documentaires, à organiser expositions et colloques. » affirme Olivier Wieviorka.
Le Service historique de la Défense, gardien de la plus grande collection d’insignes militaires au monde
Garant de la symbolique militaire française, le Service historique de la Défense détient une collection d’insignes militaires de 120 000 pièces. Parmi elles figurent des insignes de différentes divisions blindées.
Les insignes des divisions blindées françaises
120 000 insignes et autant d’histoires. Sur les surfaces des écus délicatement émaillés, chaque dessin porte le parcours de son unité. « Cette collection du Service historique de la Défense est la collection historique de référence pour l’armée française », souligne le lieutenant-colonel Joussen, chef de la division symbolique de la Défense.
En sus de sa double casquette de conservateur et de gestionnaire, le Service historique de la Défense (SHD) intervient à d’autres niveaux : « Cette collection conservée au SHD est une banque de données pour les dessinateurs d’insignes en recherche d’inspiration. Nous leur indiquons les règles à respecter, certains symboles ne pouvant, par exemple, pas être utilisés. Soit parce qu’ils sont déjà pris, soit parce qu’ils risqueraient d’être retournés contre l’armée. Nous sommes en outre chargés d’homologuer ces nouveaux insignes, pour les rendre « officiels ». » ajoute le lieutenant-colonel.
En lien avec le commissariat des armées (SCA) et les fabricants (fondeurs, émailleurs…), le SHD s’assure de la réalisation des insignes, de la qualité de ces derniers et du respect du cahier des charges.
L’insigne de la 1ère division blindée (1ère DB)
Créé en Tunisie en 1943, dans le cadre du réarmement de l’armée française d’Afrique du Nord par les Américains, l’insigne de la 1ère DB est particulièrement reconnaissable. Dessiné par le lieutenant Brune en 1944, le bleu ciel symbolise la Méditerranée. Sa croix représente la croix de Saint-Louis, mort en Tunisie au 13e siècle.
« Quand les Américains ont réarmé l’armée française d’Afrique du Nord, il était prévu de créer quatre divisions blindées (équipées de chars). Il n’y en aura finalement que trois : la 2e DB du général Leclerc, la 5e DB qui achève ses combats à Stuttgart, en Allemagne, et la 1ère DB. Cette dernière avait la particularité d’être composée essentiellement de soldats d’Afrique du nord. Près du tiers de ses effectifs étaient des nord-africains de souche. Son insigne bleu ciel rappelle la Méditerranée, la couleur traditionnelle des calots des chasseurs d’Afrique et celle des dolmans des zouaves*. Le char stylisé reprend le char Sherman, matériel principal donné par les Américains qui équipaient ces DB. » précise le lieutenant-colonel.
*Unités françaises d'infanterie légère appartenant à l'Armée d'Afrique, ayant existé de 1830 à 1962.
La campagne d’Italie du corps expéditionnaire français (1943-1944)
Épisode charnière de la Seconde Guerre mondiale, la campagne d’Italie marque l’ouverture d’un second front en Europe contre l’Allemagne nazie, réclamé depuis un certain temps par Staline à ses alliés occidentaux. Le 10 juillet 1943, la 8e Armée britannique du général Montgomery et la 7e Armée américaine du général Patton débarquent sur les plages siciliennes, non loin de la ville de Gela. C’est la première et plus grande opération amphibie de la Seconde Guerre mondiale, avant les débarquements de Normandie et de Provence, les 6 juin et 15 août 1944.
Surnommé le « ventre-mou de l’Europe » par le général Clark (commandant de la 5e Armée américaine), la campagne d’Italie se révèle pourtant beaucoup plus difficile que prévue, face à la robustesse des défenses allemandes. C’est dans cette 5e Armée qu’est incorporé le corps expéditionnaire français (CEF). Créé le 24 août 1943 par le général de Gaulle et le général Giraud, il est principalement composé des troupes de l’Empire colonial français. Algériens, Tunisiens, Marocains mais aussi Malgaches, soldats originaires d’Afrique occidentale et équatoriale… tous débarquent dans la baie de Naples le 21 novembre 1943. Fort de 30 000 hommes en janvier 1944, le CEF s’installe à Venafro, non loin de la « ligne Gustave ». Cette chaîne de montagnes de 150 kilomètres forme une véritable barrière naturelle. Elle est la principale ligne de défense allemande et le dernier rempart avant Rome.
La campagne d'Italie du corps expéditionnaire français (1943-1944)
La bataille du Garigliano, percée héroïque du CEF
Sous le feu puissant de la Wehrmacht, crête après crête, les troupes héroïques du corps expéditionnaire français parviennent à percer les lignes allemandes. Les combats sont sanglants et se terminent souvent au corps-à-corps. Considérées comme les faits d’armes les plus remarquables conduits par le CEF au cours de la campagne d’Italie, les opérations militaires du Belvédère (au cours de laquelle s’illustre particulièrement le 4e régiment de tirailleurs tunisiens) et du Garigliano contribuent à restaurer la crédibilité de l’armée française auprès des Américains.
La bataille du Garigliano revêt une importance particulière. L’offensive française menée par les troupes du général Juin dans la nuit du 11 au 12 mai permet de faire tomber le dernier verrou qu’est le Mont Cassin, colline surplombée par un imposant monastère du VIe siècle. Les Alliés peuvent dès lors reprendre leur progression vers Rome, interrompue depuis janvier 1944. « Les soldats du corps expéditionnaire français ont ajouté un nouveau chapitre d’épopée à l’histoire de France », confiera plus tard le général Clark.
Le 6 juin 1944, les troupes du général Juin défilent dans la capitale italienne, le jour même du débarquement allié en Normandie. Le CEF est dissous le 22 juillet 1944. Il est remplacé par « l’armée B » commandée par le général de Lattre de Tassigny, qui prépare le débarquement en Provence.
Aujourd’hui, deux grands lieux de mémoire commémorent la campagne d’Italie. « Le cimetière de Monte Mario à Rome et le cimetière de Venafro rappellent le sacrifice de plus de 6 577 soldats qui ont été tués, et également de 23 000 blessés. Le corps expéditionnaire français en Italie totalise 30 000 pertes, tués et blessés. C’est un chiffre énorme, quand on pense qu’en moyenne, les effectifs du CEF étaient de 76 000 hommes, avec un pic de 110 000 hommes lors de la bataille du Garigliano. Ce sont des pertes absolument considérables. » souligne Guillaume Denglos, docteur en Histoire du Service historique de la Défense.
Le maquis du plateau des Glières
REPORTAGE - Il y a 80 ans, le 26 mars 1944, le maquis des Glières tombait sous le feu de la milice et de la Wehrmacht. À travers des images d’archives exceptionnelles et le témoignage poignant de Gérard Métral, président de l’Association des Glières, fils du maquisard Alphonse Métral, ce film retrace le courage et la détermination de ces hommes face à l’occupation nazie en Haute-Savoie, pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le maquis du plateau des Glières
Raymond Perillat, le photographe maquisard
VIDÉO - Originaire du Grand-Bornand, le jeune apprenti-photographe Raymond Perillat rejoint le maquis des Glières en 1943 à l’appel de Tom Morel. Pendant des mois, il capture le quotidien de sa section et celui des maquisards qui luttent contre l’occupant allemand : veillées, entraînements des compagnies, parachutages, postes de guets, prises d’armes … Découvrez dans ce reportage un témoignage exceptionnel sur la vie de ces hommes engagés dans la Résistance en Haute-Savoie.
Raymond Perillat, le photographe maquisard
"Les Héros de l'ombre" - Théodose Morel (1915-1944)
Découvrez l’histoire de Théodose Morel (1915-1944), dit « Tom », premier chef du maquis des Glières et leader charismatique qui a su rassembler, sous une seule bannière, plus de 400 de résistants d’origines diverses. © Musée de l’Ordre de la Libération.
Missak Manouchian, un étranger dans la Résistance
La résistance au nazisme et à l'occupation en France durant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) est venue de différentes classes sociales. C’est aussi le cas d’hommes et de femmes de différentes nationalités. Découvrez le parcours hors du commun de Missak Manouchian et de ses compagnons des Francs-tireurs et partisans - main-d'œuvre immigrée (FTP-MOI). À la tête de ce groupe de 22 résistants dit « Groupe Manouchian », il mène des opérations de guérilla urbaine en région parisienne contre l’occupant nazi. Il est arrêté le 16 novembre 1943 et condamné à mort par un tribunal allemand. Il meurt fusillé avec ses 21 camarades, le 21 février 1944, au Mont-Valérien (la seule femme du groupe, Olga Bancic, est déportée en Allemagne et décapitée dans une prison de Stuttgart, le 10 mai 1944). 80 ans plus tard, le 21 février 2024, Missak Manouchian entre au Panthéon accompagné de son épouse Mélinée et ses 22 compagnons.
Dans ce film réalisé par la Direction de la Mémoire, de la Culture et des Archives du ministère des Armées (DMCA), l’historien Denis Peschanski retrace ce parcours et ces événements historiques. Avec les voix des comédiens et metteurs en scène Philip Torreton et Bruno Abraham-Kremer.
Ce film a été réalisé avec les informations et l'audiovisuel du ministère des Armées (ECPAD). Commanditaire : DMCA
Dessinateur : Camus Dansolo - Traducteur : Armen Baghdasaryan
Missak Manouchian, un étranger dans la Résistance
Le maquis du Vercors
Situé entre les départements de l’Isère et de la Drôme, le Vercors est un massif montagneux qui abrite dès 1942 réfugiés, résistants et réfractaires au Service du travail obligatoire (STO). Armés et regroupés en une « République libre du Vercors » décrétée le 3 juillet 1944, ces hommes ont pour mission de perturber les troupes allemandes en vue du débarquement allié en Provence, en vertu d’un plan validé par le général de Gaulle depuis Londres. Après avoir subi plusieurs offensives, à commencer par celles de la Milice à partir du 16 avril, le maquis sera submergé en juillet 1944 par 10 000 soldats allemands. Il s’agira de la plus grosse opération de répression menée par la Wehrmacht contre les résistants dans toute l’Europe de l’Ouest.
Le maquis du Vercors, 1944. Courage, souffrance, espérance.
Olivier Wieviorka : « La synchronie guerre-occupation-dictature a fait de la Seconde Guerre mondiale un conflit tragiquement original »
ENTRETIEN – Professeur à l’université de Paris-Saclay, éminent historien du second conflit mondial, Olivier Wieviorka publie « Histoire totale de la Seconde Guerre mondiale », coédité par le ministère des Armées, paru dernièrement aux éditions Perrin. Une analyse multidimensionnelle, militaire bien sûr, mais aussi économique, politique et sociale.
Entretien Olivier Wieviorka
Olivier Wieviorka, vous n'en n'êtes pas à votre premier ouvrage sur la Seconde Guerre mondiale. En quoi « Histoire totale de la Seconde Guerre mondiale » apporte-il un éclairage nouveau sur le conflit ?
Olivier Wieviorka : Mon idée était d'abord de bien replacer les grandes opérations dans un ensemble, en montrant que le fait militaire s'insérait dans un contexte global, total. Autrement dit : on ne peut pas comprendre les grandes batailles si l'on n'intègre pas les facteurs économiques, politiques, géopolitiques et sociaux.
Parmi la somme de productions déjà existantes sur le sujet, votre ouvrage était-il nécessaire ?
O.W : Je le crois. D'abord parce qu'il n'existe pas pléthore de synthèses sur la Seconde Guerre mondiale, contrairement à ce que l'on croit. La Seconde Guerre mondiale a suscité bien des travaux, souvent de grande qualité, mais qui restent souvent partiels. Nous avons, me semble-t-il, besoin d'une vue d'ensemble. Ensuite parce-que bien des livres privilégient un axe unique. La somme de Basil Liddell Hart, par exemple, est remarquable ; mais elle se focalise sur l'histoire militaire sans dire un mot de la Shoah. Pour ma part, j'ai essayé de comprendre la pluralité des aspects de ce conflit terrible, en accordant également une part éminente à l'Asie, souvent oubliée. C'est peut-être ce qui confère au livre son originalité.
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Aller sur le siteDidier Daeninckx : « Missak Manouchian : une identité multiple »
ENTRETIEN – Pour l’écrivain Didier Daeninckx, auteur de la bande-dessinée « Missak Manouchian : une vie héroïque » coéditée par le ministère des Armées et parue dernièrement aux éditions Les Arènes, l’entrée au Panthéon du résistant communiste étranger et de son épouse Mélinée le 21 février revêt un caractère universel.
Didier Daeninckx : « Missak Manouchian : une identité multiple »
Vous n'en êtes pas à votre premier ouvrage sur Missak Manouchian. En quoi sa personnalité vous attire-t-elle ?
Didier Daeninckx : Quand j'ai commencé à travailler sur Missak Manouchian, j'avais une lecture de sa dernière lettre (à son épouse Mélinée) qui n'était pas commune. Une phrase m'a fortement marqué. Il écrit : « Je vais être fusillé, je n'y crois pas, je ne te verrai plus, cela m'arrive comme un accident dans ma vie ». Il n'adopte pas la posture du martyr. Pour lui, cela arrive comme un accident dans sa vie, mais sa vie, c'est autre chose. Contrairement aux historiens qui ont fortement travaillé sur l'époque de la Résistance, j'ai tenté de chercher ce qui s'était passé avant cet « accident », c'est-à-dire sa collision frontale avec le nazisme. J'ai commencé à rassembler des éléments avec ce regard-là, et j'ai découvert un ouvrier qui voulait s'émanciper par la culture.
Ce qui m'a fortement intéressé dans tout ce que j'ai écrit sur Missak, c'est cela, quelqu'un qui s'accroche aux mots, qui veut s'exprimer par la poésie et par l'écriture, un fou de cinéma qui veut devenir acteur … tout cela en ayant vécu que par le malheur historique : sa famille disparue, son frère qui meurt de tuberculose à la suite du génocide arménien… C'est donc une image extrêmement différente de la représentation, nécessaire, du martyr. L'image de son exécution absorbe toute sa ligne de vie. Ce qui m'a intéressé, c'est justement ce parcours.
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Aller sur le siteGérard Métral : « Ni catholiques, ni juifs, ni communistes : les maquisards des Glières, des frères d’armes »
ENTRETIEN – Il y a 80 ans, le 26 mars 1944, le maquis des Glières tombait sous le feu de la milice et de la Wehrmacht. Gérard Métral, président de l’Association des Glières, œuvre pour faire vivre l’héritage de ce site emblématique de la Résistance en Haute-Savoie. Pour ce fils de maquisard, les Glières sont une leçon de vivre-ensemble et une éducation à la citoyenneté sur lesquelles doivent s’appuyer les générations futures.
Entretien Gérard Métral
Gérard Métral, nous sommes en janvier 1944, en Haute-Savoie. Dans quel contexte se forme le maquis des Glières ?
Gérard Métral : Il se forme à un moment clé de la résistance. Le 31 janvier 1944 l'État de siège est proclamé par l'intendant de la police française Lelong. Une chape de plomb s'abat sur la Haute-Savoie : la liberté de circuler est fortement compromise, un couvre-feu est imposé de 20h à 7h du matin, les porteurs d'armes sont automatiquement traduits en cour martiale et fusillés. En France, cette répression est unique. Terre de maquis par excellence, le département savoyard avec ses nombreux reliefs et forêts est une « planque » idéale pour les nombreux jeunes qui fuient le Service du travail obligatoire (STO). Les nombreuses filières qui s'y développent, dirigées par le Parti communiste ou les mouvements de jeunesse catholique, augmentent le nombre de ces hommes.
La Haute-Savoie est donc une terre de résistance ?
G.M : Oui, c'est tout à fait vrai. Pendant la Révolution française la région était déjà un refuge pour les prêtres réfractaires. Il y a en Haute-Savoie, une véritable tradition de résistance.
Pour quelle(s) raison(s) ce site a-t-il été choisi ?
G.M : Dès septembre 1943, dans la perspective du Débarquement en Normandie, les Alliés recherchent un site pour parachuter des armes à la Résistance, en France. C'est l'objectif de la mission interalliée « MUSC », qui comprend deux représentants des services secrets français (le Capitaine Jean Rosenthal, de la BCRA[1]) et anglais (le Capitaine Richard Harry Heslop, du SOE[2]) ainsi que le Colonel Romans-Petit, successeur du commandant Jean Vallette d'Osia[3] à la tête des maquis de l'Ain et de la Haute-Savoie. À l'issue de cette mission de reconnaissance, les Glières sont retenues pour des raisons simples : à 1 500 mètres d'altitude, le plateau permet de mener des activités insoupçonnables depuis les vallées et est facilement repérable par l'aviation alliée. Les parachutages ayant lieu lors des nuits de pleine Lune, les lacs du Bourget, d'Annecy et Léman agissent comme des « miroirs » qui guident les aviateurs. Les lumières de Genève en Suisse voisine, pays neutre, sont un autre repère important alors que la France, en situation de « défense passive », est plongée dans le noir. Ce concours de circonstances a été déterminant dans le choix du site des Glières. Suite au feu vert de Churchill le 26 janvier 1944, un premier parachutage prévu le 10 février n'aura pas lieu à cause du mauvais temps. Il faudra attendre le 10 mars pour que La Royal Air Force (RAF) largue 54 containers sur le plateau, éclairé par les bûchers ardents positionnés par les maquisards. Au total il y aura trois parachutages (soit 90 tonnes d'armes) ainsi qu'un quatrième après l'évacuation du plateau, contenant 120 tonnes de mitraillettes, bazookas, vivres et vêtements.
Lire l'intégralité de l'entretien
Aller sur le siteLe terme de « symbolique militaire » regroupe tous les objets et attributs autrefois utiles au combat, aujourd’hui basculés dans le domaine du cérémonial et de la tradition. Parmi ces objets : drapeaux, étendards, fanions, insignes et uniformes.
Michaël Landolt : « Le camp de Natzweiler représente l’histoire européenne »
ENTRETIEN - Il y a 80 ans, l’armée américaine découvrait le camp de concentration de Natzweiler, en Alsace-Moselle annexée. Ouvert par les nazis en mai 1941, il est l’unique camp de ce type en France aujourd’hui. Pour Michaël Landolt, son directeur, les origines très diverses des détenus en font un symbole de l’histoire européenne.
Michaël Landolt, directeur du CERD
Propos recueillis par Marguerite Silve Dautremer
Michaël Landolt, nous sommes en 1941, deux années après le début de la Seconde Guerre mondiale. Dans quel contexte le camp de Natzweiler est-il créé ?
Michaël Landolt.- À l’époque l’Alsace et la Moselle font partie du IIIe Reich, nous sommes en Allemagne : le régime nazi s’applique comme à Berlin. Dans cette région, les nazis décident d’installer un camp sur la commune de Natzwiller, permettant l’exploitation d’une carrière de granit rose. Fin 1940, des recherches géologiques avaient été menées par le IIIe Reich, pour trouver de quoi construire les grands monuments nazis, à Berlin, Nuremberg…
Quand les services géologiques de la SS identifient les gisements de granit sur le site de Natzwiller, ils s’accordent avec l’administration des camps de concentration pour y créer un camp. L’objectif est d’avoir de la main-d’œuvre qui travaillera de manière forcée. Si le camp revêt un but économique, les nazis s’en servent aussi comme moyen de répression politique et raciale : la plupart des détenus sont des opposants politiques et des résistants, des Juifs, des gens du voyage, des Tsiganes, des homosexuels … Les tout premiers détenus sont des détenus de droits communs et des opposants politiques dont des communistes allemands. Ils arrivent à l’ouverture du camp en mai 1941, dans des convois en provenance du camp de Sachsenhausen, dans la banlieue berlinoise.
Quel était le profil des prisonniers ?
Environ 60% des détenus sont des prisonniers politiques, 10% sont des Juifs. D’autres détenus sont ceux de droits communs, les « asociaux » (pour les nazis, les personnes « inutiles » à la société, les chômeurs par exemple), des prisonniers de guerre, des soviétiques, des gens du voyage, des homosexuels, des militaires allemands et quelques témoins de Jéhovah. Une grande partie des détenus sont issus d’Europe de l’Est, en majorité Polonais et Soviétiques. Il y a aussi des Allemands, des Italiens, des Yougoslaves, des Norvégiens, des Luxembourgeois, des Français, des Espagnols, des Grecs … il y a même un Américain, quelques Turcs, des Suisses et des Bulgares. Il y a enfin des Alsaciens et surtout des Mosellans, qui sont donc allemands et représentent environ un millier de détenus. Une grande partie d’entre eux ont été arrêtés en Moselle.
50 000 détenus sont passés par le « camp souche » de Natzweiler, où se trouve aujourd’hui le CERD, et ses 53 camps annexes. 17 000 détenus sont décédés dans le complexe concentrationnaire de Natzweiler.
Quel était leur quotidien sur place ?
La vie s’organise autour du travail ...
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