Bilan PFUE : les 5 avancées à retenir dans le domaine de la défense
Du 1er janvier au 30 juin 2022, la France a présidé le Conseil de l’Union européenne (PFUE). Dans le domaine de la défense, cette présidence a été bouleversée par l’offensive russe en Ukraine. Retour sur les cinq avancées majeures qui ont marqué la PFUE en matière de sécurité et de défense.
Le retour de la guerre sur le vieux continent a conduit les États membres à prendre une série de décisions inédites, pour apporter une réponse ferme et coordonnée à l’une des plus graves violations de l’ordre de sécurité européen depuis des décennies.
1. L’adoption de la Boussole stratégique
L’adoption de la Boussole stratégique était une priorité annoncée de la PFUE.
Elle a été endossée par le Conseil européen des 24 et 25 mars 2022.
Véritable feuille de route des grandes orientations de l’Union européenne en matière de sécurité et de défense pour la prochaine décennie, ce document est le fruit d’un travail de concertation et de rédaction, lancé deux ans plus tôt.
Le 1er juillet 2020, l’Allemagne prend la présidence du Conseil de l’Union européenne pour les six derniers mois de l’année. À cette époque, les États membres souhaitent renforcer leur coopération en matière de sécurité et de défense, pour anticiper le désengagement progressif des États-Unis, au profit de la zone Asie-Pacifique. La présidence allemande permet alors de lancer la rédaction du premier « livre blanc » de la défense européenne, pour identifier les menaces communes et définir les moyens d’y faire face collectivement.
Une première version du document est présentée en novembre 2021 aux ministres des Affaires étrangères et de la Défense de l’UE. Trois mois plus tard, le 24 février 2022, la Russie déclenche son offensive contre l’Ukraine. La guerre qui éclate va conduire les États membres à remanier en profondeur l’ampleur et l’ambition du document.
L’attitude belliciste de Moscou s’impose comme le fil rouge du chapitre consacré à l’analyse des menaces. La condamnation de l’opération militaire déclenchée par le président Poutine est sans détour. Enfin, la Boussole stratégique est l’occasion pour les États membres d’afficher une union sans faille dans leur soutien à l’Ukraine : « L'Union européenne est plus unie que jamais. Nous sommes résolus à défendre l'ordre de sécurité européen … En soutenant l'Ukraine face à l'agression militaire commise par la Russie, nous faisons preuve d'une détermination sans précédent à rétablir la paix en Europe, conjointement avec nos partenaires. »
L’adoption de la Boussole stratégique, un mois jour pour jour après l’ouverture des hostilités sur le sol ukrainien, conforte la pertinence d’un texte destiné à accroitre la force de l’UE en tant que garant de la sécurité.
La Boussole stratégique dote l’Union européenne d’un plan d’action ambitieux pour approfondir la politique de sécurité et de défense de l’UE d’ici à 2030.
Elle comporte 47 mesures dont la plupart doivent se concrétiser dès 2022 et 2023.
Quatre axes d’actions principales doivent guider sa mise en œuvre :
- agir : l’UE veut être capable d'agir rapidement et avec fermeté dès lors qu'une crise survient, avec des partenaires si possible et seuls si nécessaire ;
- assurer la sécurité : l’UE veut renforcer sa capacité à anticiper les menaces, à garantir un accès sûr aux domaines stratégiques et à protéger ses citoyens ;
- investir : ’UE veut investir davantage et mieux dans les capacités et les technologies innovantes, combler les lacunes stratégiques et réduire les dépendances technologiques et industrielles ;
- travailler en partenariat : l’UE veut renforcer sa coopération avec ses partenaires pour faire face aux menaces et aux défis communs.
2. L’utilisation de la facilité européenne pour la paix
La facilité européenne pour la paix (FEP) est un nouvel instrument extrabudgétaire de l’UE dédié au financement d’actions de sécurité et de défense. Créée le 22 mars 2021, la FEP est financée par les contributions des États membres pour un budget total de 5 milliards d’euros sur la période du 2021-2027.
Elle repose sur deux piliers :
- le pilier « opérations » finance les opérations au titre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) ayant des implications militaires ;
- le pilier « mesures d'assistance » finance des capacités ou actions en soutien aux partenaires ainsi que les opérations de maintien de la paix de partenaires.
La facilité européenne pour la paix (FEP) a été actionnée par les États membres qui se sont engagés à fournir à l’Ukraine des équipements militaires pour un total de 2 milliards d’euros, dont environ 90 % de matériel létal (4 tranches de 500 millions d’euros ont été agréées entre le 28 février et le 16 mai).
Un an après l’adoption de la FEP, la guerre en Ukraine a fait évoluer ce mécanisme pour permettre à l’Union de contribuer financièrement à la défense d’un pays agressé militairement et positionner l’UE comme un acteur majeur dans le domaine militaire.
3. Face à la guerre en Ukraine, une réponse ferme et solidaire de l’UE
L’invasion Russe a bouleversé l’agenda politique de la PFUE. Dès les premiers jours, une réponse ferme, solidaire et unie a été apportée par les États membres pour traiter tous les aspects de la crise.
Soutenir les Ukrainiennes et les Ukrainiens
La première réponse concernait l'accueil des réfugiés ukrainiens en Europe. Aujourd’hui, 7,5 millions de réfugiés ukrainiens bénéficient de la protection temporaire qui donne droit à un travail, à la protection sociale et à l'éducation.
L’Europe devait également répondre au besoin d'aide humanitaire d’un pays engagé dans un conflit de haute intensité. Après avoir mobilisé en urgence une aide humanitaire massive pour soutenir l’Ukraine, à hauteur de 335 millions d’euros en plus du soutien bilatéral des États membres de 1,28 milliard d’euros, l’Union a finalement décidé de mobiliser 2 milliards d'euros pour répondre aux besoins du pays. Elle est prête à accorder une nouvelle assistance financière de 9 milliards d'euros en 2022 et s’est engagée à jouer un rôle majeur dans la reconstruction de l’Ukraine.
Sanctionner les responsables
Sous présidence française, l’Union européenne a adopté des mesures inédites, à un rythme historique pour sanctionner en Russie et en Biélorussie, les responsables de l’agression contre l’Ukraine.
Plus de 1093 personnes et 80 entités sont sanctionnées dans le cadre du régime de sanctions liées à la situation en Ukraine.
Six paquets de sanctions ont été adoptés, visant notamment des individus et les secteurs financiers dans le domaine des transports, de la défense et de l’énergie.
Les décisions européennes interdisent la diffusion de contenus de médias russes liés au Kremlin, tels que Sputnik et RT.
Elles interdisent l’importation du charbon et du pétrole russe, notamment par un embargo sur plus de 90% du pétrole russe.
Elles interdisent l’accès aux ports européens des navires sous pavillon russe et empêchent le transport routier de marchandises par des entreprises russes et biélorusses sur le territoire de l’Union. Dans le domaine aérien, elle interdit le survol du continent par les avions russes.
Elles privent l’État russe de l’accès à ses réserves de devises à l’étranger et excluent la quasi-totalité des banques russes du système de transactions financières SWIFT.
Enfin, pour lutter contre l’impunité en Ukraine, le règlement Eurojust a été modifié pour permettre à l’agence de coopération judiciaire, de jouer un rôle clé aux côtés des autorités ukrainiennes et de la Cour pénale internationale.
Après la découverte de centaines de corps de civils à Boutcha, l’UE a annoncé mettre à disposition de l’Ukraine tous les moyens en sa possession pour participer aux enquêtes ouvertes pour crimes de guerre.
4. Le réarmement européen
Au sommet de Versailles des 10 et 11 mars 2022, les chefs d’États et de gouvernements européens ont acté un objectif fort de renforcement des capacités européennes de défense. L’élaboration d’un plan de résilience et d'investissement est lancé pour permettre à l’Union européenne de mieux coordonner les dépenses militaires des États membres.
Le 18 mai, la Commission européenne présente une analyse des besoins d’investissements et des actions nécessaires. Dans ce document, elle estime à 1 100 milliards d’euros les déficits d’investissement en matière de défense en Europe depuis 2006.
Pour remédier à cette situation, la Commission propose de créer deux nouveaux instruments européens d’incitation à l’acquisition conjointe :
- un plan d’urgence pour réapprovisionner les stocks de matériels, avec un soutien du budget de l’UE à hauteur de 500 millions d’euros proposé sur 2022-2024 ;
- un « programme européen d’investissement de défense » pour faciliter l’acquisition conjointe à travers des exemptions de TVA et des flexibilités règlementaires et la possibilité de mobiliser des financements du budget de l’UE pour renforcer la BITDE.
Les institutions de l’UE cherchent à orienter les dépenses militaires selon une stratégie commune, plus rentable économiquement. Cette acquisition conjointe d’équipements militaires permettra de renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne (BITD-E).
5. La candidature de l’Ukraine à l’Union européenne
La présidence française du Conseil de l'Union européenne restera dans l’Histoire comme celle qui a ouvert la voie vers l’Union européenne à l’Ukraine et à la Moldavie. Quatre mois après le début de l’offensive Russe, les deux pays sont officiellement candidats. Les dirigeants européens ont pris la décision à l’unanimité de leur accorder ce statut, lors du Conseil européen du 23 juin 2022. Une décision dans un contexte tragique et qui envoie un signal fort d’unité et de solidarité européenne face à l’agression militaire russe.
Le statut de candidat est une première étape officielle du processus d’adhésion à l’Union qui peut être long.
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