Edouard Jolly : « Le 24 février 2022 marque le retour de la guerre de haute intensité en Europe »
Les combats de haute intensité en Ukraine marquent un tournant à la fois historique et géopolitique en Europe. Les explications d’Edouard Jolly, chercheur à l’Institut de recherche stratégique de l'École militaire (Irsem).
La date du 24 février 2022 est-elle déjà historique ?
Oui. Le 24 février 2022 marque le retour de la guerre de haute intensité en Europe. Ce format d’affrontement, qui entraîne de lourdes pertes humaines et matérielles, semblait jusqu’alors appartenir à l’Histoire. Sur le plan géopolitique, ce conflit constitue également un tournant pour la défense de l’Europe : l’Allemagne repense sa politique de défense à travers le Zeitenwende (changement d'époque) ; la Suède et la Finlande, deux pays pourtant attachés à leur statut de neutralité, souhaitent rejoindre l’Otan ; la défense collégiale de l’Europe est discutée, à la fois dans le cadre de l'Otan et de l'Union européenne.
D'un point de vue strictement militaire, quels sont les enseignements de ce conflit ?
Tout d’abord, l’importance de la masse. Une profondeur stratégique et une masse humaine sont nécessaires à la fois pour mener une offensive, comme pour résister en position défensive. Ensuite, la puissance de feu est primordiale. Les armées ont besoin de missiles balistiques pour exécuter des frappes dans la profondeur et des quantités suffisantes d’armement induites par la haute intensité. Enfin, nous sommes témoins d’un retour de la guerre au « format Clausewitz* », décrit dans la préface de son ouvrage De la guerre du 10 juillet 1827.
« Le contexte actuel nous rappelle donc une leçon de l’Histoire : nous faisons la guerre pour renverser l'adversaire ou bien pour conquérir son territoire. »
- Chercheur à l’Institut de recherche stratégique de l'École militaire

Quels enseignements les armées françaises peuvent-elles tirer de ce conflit pour leur avenir ?
L’évolution des menaces, illustrée par ce conflit, invite à débattre du format de nos armées. Tout d’abord, le modèle français nous contraint à penser la défense en coopération avec les autres États européens. En même temps, les armées doivent être capables de répondre à tous les types de menaces auxquels un État peut être confronté. Outre le combat classique et historique, les militaires doivent être prêts sur les champs informationnel, cyber et de l’influence, devenus déterminants dans les conflits du XXIe siècle.
*Carl von Clausewitz est un général prussien et théoricien militaire, né en 1780 et décédé en 1831. Il a notamment écrit le traité de stratégie militaire De la guerre.
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