L’analyse de la Marine nationale après trois ans de guerre en Ukraine

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 21 février 2025

Le bilan des enseignements maritimes du conflit russo-ukrainien après trois années de conflit permet de dégager trois points majeurs : le rôle stratégique des flux maritimes, la nécessité d’accélérer la prise de décision et l’équilibre entre armes d’usure et armes de précision. À l’occasion du point presse du ministère des Armées, jeudi 20 février 2025, le vice-amiral Emmanuel Slaars, sous-chef d'état-major « opérations aéronavales » de l'état-major de la Marine nationale, a exposé ce bilan.

Vice-amiral Slaars, sous-chef d'état-major « opérations aéronavales » de l'état-major de la Marine. © MDL Victor François / DICOD/Ministère des Armées

L’enjeu stratégique des flux maritimes

Depuis trois ans et le début de la guerre en Ukraine, le contrôle des flux maritimes s’est imposé comme un facteur déterminant du conflit. Pour les belligérants, l’activité économique soutenue par ces échanges demeure « indispensable à la poursuite d’un effort de guerre prolongé », estime le vice-amiral Slaars. Pour l’Ukraine, l’exportation des céréales s’est révélée un défi majeur, initialement entravé par la marine russe via des opérations de minage et des frappes ciblées sur les infrastructures portuaires. Toutefois, à partir de fin 2023, l’Ukraine a pu reprendre ses exportations de céréales à un niveau proche de 2021, atteignant environ 45 millions de tonnes.

Côté russe, les exportations de pétrole restent un élément central de son économie de guerre, représentant environ 60 % des revenus en devises du pays. Pour contourner les sanctions internationales, la Russie s’appuie sur une « flotte fantôme », un réseau de navires navigant sous pavillons étrangers permettant de poursuivre ses exportations malgré les restrictions.

Dans ce contexte, la mer Noire est devenue une zone à haut risque. Selon le sous-chef d'état-major, plus d’un millier de mines marines y sont actuellement disséminées, soulignant l’importance du déminage pour garantir la liberté de navigation.

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Réduire la boucle de décision

Le conflit a également mis en lumière l’impératif de réduire la boucle de décision, c’est-à-dire le temps entre la détection de la menace et sa neutralisation. Dans un environnement saturé d’informations, cette capacité est cruciale. « La Marine nationale développe des systèmes basés sur la collecte et l’analyse massive de données, facilitée par l’utilisation d’intelligences artificielles et de data hubs embarqués », explique le vice-amiral.

Cette adaptation est d’autant plus essentielle que la Marine nationale est en contact quotidien avec les forces russes dans des zones stratégiques comme l’Atlantique Nord, la Méditerranée orientale et la mer Baltique.

Conjuguer armes d’usure et armes de précision

Enfin, le vice-amiral Slaars insiste sur l’importance de combiner armes d’usure et armes de précision. Si les armes rustiques et de masse sont aujourd’hui largement utilisées en mer, elles n’ont pas supplanté les technologies de pointe. « Les premiers drones de surface ukrainiens étaient rudimentaires avant d’évoluer vers des versions plus sophistiquées capables de neutraliser des hélicoptères en vol », illustre-t-il.

Ce phénomène illustre l’éternel cycle d’adaptation et de contre-mesures technologiques qui façonne la guerre moderne. « Face aux armes rudimentaires, les Russes ont réagi par la technologie, ce qui a forcé les Ukrainiens à s’adapter à leur tour », résume le vice-amiral Slaars.

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