Il y a cinq ans, la France lançait son Commandement de l’espace

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 21 novembre 2024

En décembre 2019, l’Otan reconnaissait l’espace comme cinquième milieu d’opération. Une réalité que la France avait déjà décidé de prendre à bras-le-corps en se dotant, quelques mois auparavant, d’un Commandement de l’espace. Quel bilan tirer après cinq ans d’activité ? Éléments de réponse.

Crée en 2019, le Commandement de l’espace devrait accueillir 500 personnes d’ici à 2030. © SCH Morgane Vallé/armée de l’Air et de l’Espace/Défense

« Alors qu’Athena-Fidus1 continuait sa rotation tranquillement au-dessus de la Terre, un satellite [russe] s’est approché de lui [...] De tellement près qu’on aurait vraiment pu croire qu’il essayait de capter nos communications. Tenter d’écouter ses voisins, ce n’est pas seulement inamical. C’est un acte d’espionnage. » Lorsqu’elle révèle cet épisode2 en septembre 2018, Florence Parly, alors ministre des Armées, envoie un message clair : le milieu spatial connaît une forte évolution, créant de multiples opportunités mais aussi de nombreux risques, naturels comme d’agression, sur toutes les orbites.

Un commandement interarmées

Depuis cinq ans, les menaces dans l’espace s’accentuent et se précisent. Le conflit ukrainien en est le parfait exemple : brouillage de satellites de communication, actions cyber, développement de systèmes antisatellites... Dès janvier 2007, la Chine détruisait l’un de ses anciens engins météo en tirant un missile depuis le sol. Les États-Unis faisaient de même un an plus tard, tandis que l’Inde et la Russie les suivaient respectivement en 2019 et 2021.

Face à l’augmentation de la conflictualité dans l’espace et à l’arrivée des nombreux acteurs du New Space3, la France a pris une décision forte avec la publication, à l’été 2019, d’une stratégie spatiale de défense. Sa mise en œuvre s’incarne au ministère des Armées et des Anciens combattants à travers la création du Commandement de l’espace (CDE), le 3 septembre 2019. Bien que rattaché à l’armée de l’Air et de l’Espace, le CDE a la particularité d’être aussi un commandement interarmées. Les armées sont, en effet, dépendantes des moyens spatiaux pour recueillir du renseignement, surveiller le terrain ou encore communiquer. « L’espace est le dernier point élevé du champ de bataille [...]. Si vous maîtrisez les points hauts, normalement vous aurez moins de mal à gagner la bataille », indique le général Philippe Adam, commandant de l’espace, dans le Journal de la défense.

[JDEF] L'arme aérienne : un outil décisif - Focus sur le CDE (à partir de 22mn35)

© Ministère des Armées et des Anciens combattants

Pour développer ses capacités à protéger les intérêts français dans l’espace, le CDE organise chaque année un exercice spatial militaire sur le site du Centre national d’études spatiales (CNES), à Toulouse. Son nom : AsterX. La quatrième édition s’est déroulée du 4 au 15 mars 2024, avec une forte participation de nos partenaires et alliés. « Cet exercice est un peu notre vitrine. Il permet à nos opérateurs de monter en compétences dans les domaines de la conception, de la planification et de la conduite des opérations spatiales. Mais aussi d’échanger avec nos partenaires pour une meilleure coopération et plus d’interopérabilité », explique le général Philippe Adam.

Satellites patrouilleurs-guetteurs

Cet été, le Centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux (Cosmos) a déménagé de la base aérienne 942 de Lyon-Mont Verdun à Toulouse. Une autre étape importante sera franchie en 2025 avec l’inauguration du nouveau bâtiment du CDE. L’édifice devrait accueillir environ 500 personnes d’ici à 2030, soit une augmentation des effectifs d’environ 40 % par rapport à 2019. Surtout, il se trouvera à proximité du CNES et du Centre d’excellence spatial de l’Otan, générant ainsi des synergies bénéfiques à tout l’écosystème. Incarnation de la recréation de la base aérienne 101, ce site deviendra l’organe central de l’outil de combat spatial dont se dote la France. À court terme, le CDE verra en particulier muni d’une véritable capacité de défense active dans l’espace. Elle prendra forme avec la mise en orbite géostationnaire du démonstrateur Yoda4. Sa mission : explorer les méthodes de protection de nos satellites militaires depuis l’espace. « C’est un programme expérimental qui sera suivi par le système Egide5, sa version opérationnelle », indique le commandant de l’espace. À noter également, l’annonce, le 17 septembre dernier, du nouveau démonstrateur d’action dans l’espace en orbite basse, nommé Toutatis6. Plus globalement, ces premiers satellites patrouilleurs-guetteurs visent à doter la France d’une capacité d’action dans l’espace. À la clé, la possibilité de surveiller l’espace depuis l’espace pour détecter un acte suspect ou agressif et s’interposer si besoin. Le découragement sera au cœur du futur dispositif, qui s’effectuera en étroite coordination avec nos partenaires, comme le signale, entre autres, le ralliement en 2024 de la France à l’opération américaine Olympic Defender.

Le patrouilleur-guetteur Yoda protégera nos satellites militaires dès son lancement, horizon 2025. © Direction générale de l’armement/Défense

Les armées comptent aussi sur Ariane 6, le nouveau lanceur développé par l’Agence spatiale européenne7, pour retrouver une liberté d’accès souveraine à l’espace. Le troisième et dernier satellite du programme CSO8 devrait ainsi être mis en orbite lors du prochain lancement. Il fournira notamment des capacités d’observation significativement accrues. Pour rappel, ces cinq dernières années ont vu le renouvellement de nos trois grandes classes de satellites militaires, à savoir Ceres, Syracuse et CSO.

EV1 Antoine Falcon de Longevialle

1 Satellite franco-italien à très haut débit pour les armées et la Sécurité civile.

2 Événement qui s’est déroulé en 2017.

3 Expression utilisée pour désigner l’émergence des acteurs privés dans l’industrie et le commerce de l’espace.

4 Yeux en orbite pour un démonstrateur agile.

5 Engin géodérivant d’intervention et de découragement.

6 Test en orbite d’utilisation des techniques d’action contre les tentatives d’ingérences spatiales.

7 Agence spatiale intergouvernementale créée en 1975, comprenant à présent 22 États membres.

8 Composante spatiale optique.

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