Une infox à l’origine de la guerre de 1870 ?
Juillet 1870. L’antagonisme entre Paris et Berlin est à son paroxysme depuis l’échec de l’annexion du Luxembourg par la France en 1867. La guerre est proche, mais elle peut être évitée. Toutefois, une fausse information va transformer une crise diplomatique en un affrontement majeur. L’homme qui tire les ficelles : le chancelier prussien Otto von Bismarck.
Le 2 juillet 1870, le trône d’Espagne, vacant depuis deux ans, trouve un héritier : le prince Léopold de Hohenzollern, dont le couronnement est prévu à la fin du mois. Toutefois, cette succession déplaît fortement à la France. La raison : Léopold de Hohenzollern n’est pas espagnol, mais prussien. Il est même le cousin de Guillaume Ier, roi de Prusse. Depuis plusieurs années maintenant, la Prusse étend son influence sur l’Europe et espère, en plaçant l’un des siens sur le trône d’Espagne, prendre la France en tenaille et ainsi rompre l’équilibre précaire entre les deux nations. À l’origine de ce plan : le chancelier Otto von Bismarck. Son but : provoquer une guerre avec la France pour fédérer les États germaniques sous une bannière unique.
« Ou la Prusse retirera ses prétentions, ou elle se battra »
Dans l’Hexagone, cette nouvelle fait l’effet d’une bombe. Le 7 juillet, le journal Le Pays écrit dans ses colonnes : « Cette affaire qui eut été sans importance il y a dix ans est la goutte d’eau qui fait déborder notre calice trop plein d’amertume. Ou la Prusse retirera ses prétentions, ou elle se battra. » Napoléon III réunit en urgence ses ministres au palais des Tuileries. L’empereur souhaite trouver une issue pacifique à la situati on. Il envoie le comte Vincent Benedetti, ambassadeur de France, échanger avec Guillaume Ier.
La rencontre a lieu le 9 juillet 1870 dans la cité thermale de Bad Ems, en Rhénanie. L’ambassadeur de France demande au souverain prussien d’acter officiellement le renoncement de son cousin, le prince Léopold, au trône d’Espagne. En face, le roi de Prusse est d’abord contrarié par les demandes françaises mais, trois jours plus tard, Vincent Benedetti obtient gain de cause : Léopold annonce son retrait. L’opération diplomatique est un succès. Le plan de Bismarck a échoué, la paix semble préservée. Toutefois, le gouvernement français souhaite aller plus loin et exige que le roi de Prusse s’engage par écrit. Agacé par cette insistance, le roi refuse et congédie poliment l’ambassadeur.
La guerre plutôt que la paix
Le soir même, Bismarck fulmine de voir s’échapper son plan d’unification. C’est alors qu’un télégramme lui parvient. Il relate de façon factuelle les derniers échanges cordiaux entre l’ambassadeur et le roi. Pour Bismarck, cette missive peut retourner la situation. S’il la remanie, elle prendra un autre sens. Il rédige une nouvelle version, supprime les marques d’apaisement et fait croire que le roi a refusé le dialogue avec l’ambassadeur français et qu’il l’a vulgairement congédié. Surtout, il ne fait aucune référence au renoncement prussien à la couronne d’Espagne. Il sait que cette dépêche au caractère humiliant piquera la fierté des Français. « Voilà qui produira sur le taureau gaulois l’effet du chiffon rouge », affirme Bismarck, qui, sans attendre, envoie son télégramme ainsi transformé aux ambassades et aux organes de presse européens.
Un effet dévastateur
Le lendemain, le 14 juillet 1870, l’humiliation supposée du comte Benedetti fait la une des journaux européens. Dans les rues de Paris, le peuple est indigné. Au Parlement, le mot guerre est sur toutes les lèvres, mais personne n’interroge le principal intéressé qui nie totalement avoir été insulté. Le ministre de la Guerre, Edmond Lebœuf, déclare que l’armée française est prête au combat. L’assemblée vote les crédits militaires et Napoléon III, qui ne voulait pas la guerre, s’y résigne sous la pression des bonapartistes « autoritaires » qui voient dans ce conflit l’occasion de rassembler le pays autour de l’empereur, lui-même confronté à des difficultés politiques intérieures.
La guerre est donc déclarée à la Prusse le 19 juillet 1870. De l’autre côté du Rhin, le jeu des alliances s’enclenche. Plus de 400 000 soldats allemands s’opposent à 250 000 Français. Dès le début des hostilités, la supériorité militaire des Prussiens et de leurs alliés1 est écrasante, tandis que les lacunes de l’armée de Napoléon III, isolée et sans soutien en Europe, éclatent au grand jour. En quelques semaines, les forces françaises sont défaites. Strasbourg et Metz sont assiégées. Des centaines de milliers de soldats français sont pris au piège, encerclés par les forces prussiennes et leurs alliés. La guerre tourne au désastre. Le 1er septembre 1870, l’armée française, dépassée par l’artillerie prussienne, se replie aux côtés de l’empereur, dans la citadelle de Sedan. Le lendemain, le 2 septembre 1870, Napoléon III, soucieux d’éviter un massacre, capitule devant son ennemi, mettant ainsi fin au Second Empire.
1 Le roi de Prusse menait une coalition avec ses alliés de Bavière, de Bade et de Rhénanie Palatina. Une fois la guerre finie, il est proclamé empereur allemand dans la galerie des Glaces à Versailles, le 18 janvier 1871.
Par Kévin Savornin
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