Alors qu’il vient de faire son adieu aux armes dans la cour d’honneur des Invalides, l’ancien Gouverneur militaire de Paris, le général Christophe Abad, a bien voulu répondre à nos questions pour évoquer le livre qu’il vient de publier : Haute sensibilité. Les armées au cœur des Jeux (éditions Nouveaux débats publics). Des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, le public a gardé en mémoire la ferveur provoquée par les exploits sportifs, la beauté des sites d’épreuves et la parade nautique de la cérémonie d’ouverture. Ce que l’on connaît moins, c’est la remarquable opération de sécurisation de cet évènement mondial, le déploiement inédit de dix mille militaires en Île-de-France et les longs mois de planification et de préparation au cours desquels tous les scénarios du pire ont dû être envisagés pour être capables d’y répondre sans faillir. 

Pourquoi sortir un livre un an après la fin des JOP ?

Les JOP de Paris 2024 ont représenté un défi hors norme se traduisant par la mobilisation exceptionnelle des armées pour répondre à l’ensemble des menaces. C’est pourquoi j’ai souhaité proposer une immersion dans les coulisses d’une opération de haute sensibilité en retraçant les longs mois de planification et de préparation et en présentant les missions réalisées à l’été 2024. 

Cet ouvrage me donne surtout l’opportunité de rendre hommage à l’engagement exemplaire des femmes et des hommes de l’opération Sentinelle JOP. Qu’ils soient militaires d’active ou réservistes opérationnels, tous m’ont impressionné par leur dynamisme et leur état d’esprit. Nous avons vécu une formidable aventure humaine et la reconnaissance formelle de leur investissement m’a semblé nécessaire.

J’ai souhaité enfin livrer mes réflexions sur les clés de la réussite d’un événement au retentissement planétaire, en mettant en exergue le rôle crucial des chefs pour donner du sens, susciter l’envie et inspirer confiance. J’ai l’intime conviction que ces clés sont aisément transposables à tous les projets et défis auxquels les dirigeants sont confrontés dans l’exercice de leurs responsabilités.

Que retenez-vous de cette expérience JOP, au-delà de vos années en tant que GMP ?

Nommé GMP en juillet 2020, la préparation et la conduite des JOP ont d’emblée représenté un objectif majeur de mon mandat. Nous avons appréhendé cette mission comme une véritable opération militaire, en travaillant très en amont sur l’analyse des menaces et des risques, en conduisant un processus de planification et de préparation rigoureux, cadencé par la production d’ordres écrits et l’organisation d’exercices plaçant nos structures de commandement dans les conditions les plus réalistes possible. Je retiens notamment le très haut degré de collaboration avec les équipes de la préfecture de police de Paris permettant de réaliser des missions apportant une forte plus-value, respectueuses de la singularité militaire. 

Parmi les principaux enseignements, je veux souligner notre capacité à travailler sur les scénarios les plus contraignants pour ne jamais être surpris, notre volonté d’innover et de faire preuve d’un esprit pionnier en sortant des sentiers battus. A ce titre, l’emploi généralisé de drones a constitué une première sur le territoire national. Afin de répondre aux exigences du préfet de police de Paris, la réactivité et l’agilité ont constitué le centre de gravité de notre opération. J’ai également fait de la rigueur comportementale une priorité, nos soldats dans les rues devant à la fois dissuader, protéger et rassurer.

Au bilan, l’engagement des armées lors des JOP nous a rappelé qu’il n’existe pas de défi opérationnel simple, que seules l’anticipation, la culture du résultat, la combattivité et l’audace sont gages d’efficacité sur le terrain.

Quel moment de cette séquence JOP vous a le plus marqué ?

Il est difficile de retenir un moment particulier tant l’été 2024 fut riche et dense pour les militaires de la force Sentinelle JOP. Sans surprise, notre contribution à la cérémonie d’ouverture le 26 juillet 2024 a représenté avec le recul une « opération dans l’opération », mobilisant d’importants moyens et effectifs engagés dans un spectre de missions extrêmement large : sécurisation dynamique de zones sensibles incluant la Seine, protection de l’espace aérien avec un effort sur la lutte anti-drone, inspections de sécurité de sites avec des équipes cynotechniques ou encore appui logistique. C’est ainsi que nous avons sécurisé en totale autonomie la zone de stockage des bateaux de la parade nautique en seconde quinzaine de juillet.

Je retiens enfin le niveau inédit d’engagement des armées françaises qui ont mobilisé en Île-de-France jusqu’à 11 000 militaires lors de la cérémonie d’ouverture, stationnés sur une quinzaine de sites. Cela a nécessité d’innover, comme l’illustre la création du camp caporal Alain Mimoun d’une capacité de 4 500 personnes sur la pelouse de Reuilly (Paris 12e). Un site emblématique de la démesure de notre opération.

Pourquoi reverser vos droits d’auteur à Terre Fraternité-ADO ?

Cela s’imposait comme une évidence tant la cause des militaires blessés et des familles endeuillées m’est chère. J’ai toujours été impressionné par le supplément d’âme de nos blessés et par le courage et la dignité des familles de nos camarades disparus. Cela force le respect et nous rappelle toujours la différence entre l’essentiel et le futile. Comme GMP, j’ai été un témoin privilégié de l’investissement et de la générosité des acteurs institutionnels et associatifs de l’entraide et de la solidarité, dont Terre Fraternité –ADO. Leur reverser l’intégralité de mes droits d’auteur m’offre l’occasion de les remercier. 

A lire également

L’Armée de champions. Une histoire du Bataillon de Joinville, de Cyrille Becker et du général Paul Sanzey, éditions Pierre de Taillac. 

Pour revivre les exploits des sportifs militaires, grands pourvoyeurs de médailles lors des Jeux olympiques et paralympiques.