Avec les Passeurs de Mémoire, sur les traces du Jour J

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 04 juin 2024

Remis à l’honneur par le 80e anniversaire du Débarquement, les lieux emblématiques normands suscitent un grand engouement populaire, pour le bonheur des passionnés, véritables conteurs et gardiens des événements de l’époque.

Frédéric Fouquart, bénévole du musée n° 4 commando, présente une botte du Jour J. © SCH Christian Hamilcaro/Dicod/Ministère des Armées

En Normandie, la transmission de la mémoire est une affaire sérieuse. Chaque rue, chaque place, chaque mètre de plage ramène au 6 juin 1944. « C’est important de se souvenir », confie Gilles Meleux, président de l’association du musée n° 4 commando de Ouistreham (Calvados). Dans ce lieu consacré à l’histoire du commando Kieffer, des tenues, des armes et différents objets sont exposés : la fiole à whisky de Philippe Kieffer, le chef du groupe, des carnets de guerre ou les bérets verts de certains membres du commando. « Ce musée était leur maison, ils [les vétérans] en étaient à l’initiative. Tant que ces objets seront là et qu’il y aura du monde pour les voir, leur mémoire sera préservée », commente Frédéric Fouquart, membre de l’association.

Depuis son inauguration, le 6 juin 1984, de nombreux « commandos » y sont venus pour raconter ce qu’ils avaient vécu. En premier lieu, Léon Gautier, qui habitait à quelques rues de là, se souvient Gilles Meleux. « Il avait à cœur de raconter son débarquement », poursuit le président de l’association, encore marqué par le décès du dernier survivant du commando Kieffer, le 3 juillet 2023.

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Réfléchir au temps qui passe

Toujours à Ouistreham, devant la plage de Riva Bella, l’office du tourisme propose une balade auditive atypique, La Délicate. Muni d’un casque audio et d’une ombrelle géolocalisée, l’utilisateur se trouve immergé dans l’histoire de la ville. Durant 1 h 30 et sur un parcours de 2 kilomètres, une voix harmonieuse invite à « prendre le temps, observer, se calmer, écouter… » Dès lors, les témoignages se succèdent. Des habitants d’hier et d’aujourd’hui évoquent les châteaux de sable, ainsi que les souvenirs de l’Occupation. « Les bombardements étaient incessants […] Il n’y avait plus d’enfants, tout le monde était évacué ». Sur la plage, la voix de Léon Gautier prend le relais : « Est-ce que les gens qui viennent en vacances se rendent compte de l’endroit où ils sont ? Peut-être pas. » Pour les touristes, ce n’est qu’un lieu de villégiature. L’ancien combattant y voyait un symbole d’espoir et proposait une réflexion sur le temps qui passe. « Quand je vois ces gosses qui s’ébattent, je suis content qu’ils soient heureux. »

« Faire parler les objets »

Plus à l’ouest, dans la Manche, les troupes américaines sont au cœur des lieux de mémoire. À Sainte-Mère-Église, le mannequin suspendu au clocher de l’église constitue une attraction à part entière. Il représente le parachutiste John Steele, immortalisé dans le film Le Jour le plus long. Sur la place, les touristes se prennent en photo. Autour d’eux, des boutiques de souvenirs, le café C-47, du nom de l’avion qui a largué les parachutistes, et l’Airborne Museum, le plus grand musée d’Europe consacré à l’histoire des divisions aéroportées du Débarquement. Le lieu propose une scénographie spectaculaire, mais son attrait réside dans ses réserves.

L’imperméable de Clark Gable : pièce phare des réserves de l’Airborne Museum de Sainte-Mère-Église. © SCH Christian Hamilcaro/Dicod/Ministère des Armées

Une fois par mois, Éric Belloc, le conservateur du musée, se mue en guide pour des petits groupes. Il y présente des objets peu – voire jamais – exposés. Comme l’imperméable de l’acteur américain Clark Gable, qui a servi dans un bombardier B-17 de l’US Air Force ; ou un carnet de croquis tenu par un prisonnier allemand, lors de son séjour au camp de Foucarville. « Avec le temps, ces pièces se sont détériorées. Elles se devaient d’être protégées de l’humidité, de la lumière et de la pollution. Aujourd’hui, elles sont conservées dans une pièce dédiée et peu exposée au contact humain », explique Éric Belloc. Si les articles sont uniques, c’est bien le récit du conservateur et les petites histoires dans la grande qui éveillent l’intérêt. « Ces objets paraissent froids et anodins, il peut s’agir d’une gourde ou d’une pièce de monnaie. Mais, dès que nous parvenons à mettre un nom et un visage sur eux, nous les faisons parler. »

Revivre les grandes heures du D-Day

Sur la place face au musée, le ballet des Jeep Willys ne passe pas inaperçu. Au volant de l’une d’elles, un guide haut en couleur : Hubert Achten, un ancien militaire néerlandais passionné par l’histoire du débarquement. Il propose une plongée hors des sentiers battus sur les lieux emblématiques de la bataille de Normandie. Au détour d’une maison ou d’une ferme, il distille des anecdotes sur les héros du débarquement. « Ici, nous sommes devant le lieu du crash d’un avion C-47 qui a pris feu en survolant la Normandie. Personne n’en est sorti vivant », explique-t-il en tentant de parler plus fort que le moteur vrombissant de son véhicule d’époque. Images d’archives à l’appui, il prouve que les lieux emblématiques des combats n’ont quasiment pas changé. « Ici, l’Histoire nous entoure. Il suffit de savoir où regarder. »

 

Hubert Achten (à gauche) à Utah Beach, en avril 2024, lors du reportage pour Esprit défense. © SCH Christian Hamilcaro/Dicod/Ministère des Armées

La balade se termine sur Utah Beach, « la plage du succès » en raison des « faibles » pertes humaines alliées1 sur ce secteur d’assaut. L’occasion de s’imprégner de l’atmosphère de ce lieu historique et de se souvenir du sacrifice des soldats qui ont foulé ce sable pour libérer la France, il y a 80 ans.

Par Kévin Savornin.

1 197 tués, parmi plus de 23 000 soldats américains débarqués dans ce secteur.

Cet article est tiré du numéro 11 d’Esprit défense.

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