Le sport pour surmonter les blessures

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 20 juillet 2024

Se reconstruire, voilà ce que proposent les cellules d’aide aux blessés des armées à ceux qui en ont le plus besoin. Pour soigner les traumatismes physiques ou psychologiques, le Centre national des sports de la défense (CNSD) organise des stages de reconstruction par le sport. Reportage au cœur de l’un d’eux, à l’École militaire d’équitation, près de Fontainebleau.

À l’École militaire d’équitation, un stagiaire découvre le cheval. © SCH Christian Hamilcaro/DICoD/Défense

Cet entretien est tiré d’Esprit défense n°12.

Il y a d’abord chez les participants un sentiment mêlé, entre « émerveillement et appréhension », note l’adjudant Renaud, qui organise les stages d’équitation adaptée. Pour cette reconstruction par le sport, trois hommes et deux femmes, tous blessés, découvrent les poneys à l’École militaire d’équitation, face au château de Fontainebleau. Manœuvres d’approche… Un poney s’écarte brusquement. « Il n’aime pas les gendarmes ! », plaisante Laurent¹.

Puis ils passent aux chevaux. Très vite, une relation intime se noue. Ahmed brosse la queue d’Amakime : « On dirait des cheveux. » Jacques s’enthousiasme devant Bagheera, qui baisse la tête pour se laisser caresser. « Oh, mais c’est presque un câlin, ça ! T’es tout en douceur ! Comme un chat. »

Le simple contact entre l’homme et l’animal produit son effet. « Elle est détendue, moi aussi… Je suis un sanguin, j’ai besoin d’apaisement. Rien que sa couleur, c’est apaisant », remarque Jacques, pour qui « un truc s’est créé. Génial ! On a beaucoup d’affinités. Je lui parle, elle donne l’impression de m’écouter. » 

À peine une heure ensemble et la monture est déjà comme leur bébé. Pour Deborah, Crack est son « pote » : « Je lui parle comme j’aimerais qu’on me parle. En encourageant, valorisant, félicitant. » Ces dernières années, elle a fait un « gros travail » sur elle-même et elle en tire les bénéfices. « J’ai l’impression d’avoir une âme d’enfant. Je suis super fière de moi. »

Engagés pour la victoire

Le site spécial JOP 2024

Voir le site

« Une vraie décharge émotionnelle »

Pour Laurent, en grande confiance avec Requiem, « c’est important de lâcher prise. » Il a commencé, voici huit ans son parcours de reconstruction, après avoir subi trois syndromes post-traumatiques (SPT) en 2002 en Irak, en 2005 en République démocratique du Congo et en 2015 au Mali. Après 37 ans dans la Gendarmerie mobile, il a été réformé fin 2020 et croyait être « libéré » en en sortant.

Au contraire : « Je me suis retrouvé comme une larve sur mon canapé. » Il s’est ressaisi. La découverte du cheval provoque son effet. « Il y a longtemps que je n’ai pas ressenti ça. Une vraie décharge émotionnelle. »

Gendarme depuis 35 ans, Jacques est également victime de SPT. Il travaille toujours – il a refusé d’être arrêté, de peur de sombrer. Il raconte la difficulté à admettre ses blessures invisibles quand « on a appris à ne jamais se plaindre, serrer les dents, cacher les symptômes. » Pendant trois ans, il a survécu dans le déni. « Puis j’ai eu honte, j’ai ressenti de la culpabilité. » Le simple fait d’avoir été désigné pour ce stage par son chef constitue « une forme de reconnaissance. »

Les participants au stage d’équitation adaptée, accompagnés de leurs aidants, à Fontainebleau. © SCH Christian Hamilcaro/DICoD/Défense

Tous se mettent en selle. Quand l’adjudant leur propose d’enlacer le cou du cheval, des larmes se mettent à couler. « Ça a fait tout sortir, le cheval a drainé toute cette énergie négative », raconte Laurent. « Il absorbait, absorbait… Je ne pensais pas ressentir une telle intensité. » Selon l’adjudant Renaud, « quand le cheval sent que quelqu’un a une forme de handicap, il devient souvent plus calme, plus docile, comme s’il prenait soin de l’autre. » Jacques a vécu cette même « symbiose » : « La chaleur des corps, la parole ensuite… » Une psychologue, Maelys, est présente pour recueillir les confidences. Elle confirme un « déclenchement plus rapide » que dans des thérapies classiques. « Des portes émotionnelles s’ouvrent », confirme l’adjudant Renaud.

« La bataille contre soi-même »

Sous l’égide du département blessés militaires et sport (DBMS), ces stages sont créés par les cellules d’aide aux blessés des armées, qui envoient les intéressés au CNSD. L’idée est que, « quel que soit leur handicap, ils sont encore capables de faire quelque chose », explique l’adjudant Renaud. En 2023, d’après le capitaine Fabrice, commandant du DBMS, 81 actions ont été organisées, allant d’une demi-journée à l’hôpital militaire de Percy à dix jours aux Invictus Games, rencontre sportive pour soldats blessés de la Défense.

Le dispositif est monté en puissance en 2015, après les retours d’Afghanistan. Chaque année, environ 500 blessés y participent, parfois pour plusieurs stages. « On privilégie la mixité, sans distinction de blessures, physiques ou psychologiques », note le capitaine Fabrice. « Cela permet à chacun de comprendre la blessure de l’autre et de relativiser la sienne. »

Les activités sont variées : voile, équitation, plongée et apnée, techniques Orfa² de préparation mentale, multisports avec les familles… « La finalité n’est pas de les transformer en grands sportifs, mais de les aider à avancer dans leur parcours », explique le capitaine. Car la seule compétition, c’est « la bataille contre soi-même. »

Par Michel Henry

1 Tous les prénoms ont été modifiés.

2 Optimisation des ressources des forces armées. Cette méthode regroupe des techniques cognitives, physiologiques, émotionnelles et comportementales à base d’exercices de respiration, relaxation et imagerie mentale.

Dossier spécial JO de Paris : une Armée de champions

Retrouvez notre dossier complet consacré aux Jeux olympiques de Paris où les sportifs de haut niveau de la défense contribueront à la récolte de médailles. Découvrez ce bataillon d’athlètes appartenant à l’Armée de champions et plus largement au sport militaire.

Voir le dossier

Contenus associés