Ukraine : ce qu’il faut retenir de l’audition de Sébastien Lecornu à l’Assemblée nationale
Point de situation sur le front ukrainien, livraison d’équipements militaires à Kiev, conférence de soutien à l’Ukraine… À l’occasion de son audition à l’Assemblée nationale, le 27 février, Sébastien Lecornu a répondu aux questions des députés. Extraits de sa prise de parole.
Le ministre des Armées a été entendu pendant plus de deux heures, mardi 27 février 2024, par les députés de la Commission de la défense nationale et des forces armées. Le sujet de cette audition : l’actualité internationale et l’application de la loi de programmation militaire.
En préambule, Sébastien Lecornu a fait un état des lieux du front ukrainien et de la posture de plus en plus agressive de la Russie envers la France et ses alliés : « La ligne de front s’installe dans la durée. Ce n’est pas pour autant que la Russie arrive à reprendre l’avantage de manière significative […] Depuis le 1ᵉʳ janvier de cette année, la Russie a dû peut-être grignoter l'équivalent de la surface du département des Hauts-de-Seine, ce qui, vous en conviendrez, est une surface relativement petite […]
Dans le même temps, nous voyons que le comportement de la Fédération de Russie a évolué vis-à-vis de l’Occident et vis-à-vis d’un certain nombre de pays du continent européen, et donc la France, mais pas uniquement la France. Nous voyons de plus en plus d’actions directes menées par la Russie sur nos différentes infrastructures. Au premier chef le cyber, […] les cibles sont traditionnellement des entreprises en lien avec le secteur de la défense, des services publics, des collectivités territoriales, des administrations publiques plus éloignées du cœur régalien […] Les services du ministère des Armées et, au premier chef, la DGSE, prêtent évidemment main forte aux différents services de l’État pour détecter, pour attribuer, pour contrecarrer […]
Je pourrais revenir sur des interactions de nature très agressive entre les forces armées russes et les forces armées françaises. Et ça, c’est autrement plus préoccupant. C’est nouveau […]
Vous avez des espaces qui doivent être garantis en liberté de circulation (milieu maritime, espace aérien), c’est le droit international. Et là, nous constatons des interactions agressives, c’est-à-dire, en clair, des tentatives de prise de contrôle, de la part de la Russie, de nos aéronefs ou de nos bateaux, des tentatives d’aveuglement de pilotes d’un certain nombre d’hélicoptères et de nos frégates, des menaces directement proférées par un service de contrôle aérien militaire russe à l’égard d’un ensemble d’avions français, en les menaçant clairement de les abattre alors qu’ils étaient dans les espaces aériens libres en termes de droit international. Bref, vous avez désormais une posture agressive assumée de la part de la Russie. »
Économie de guerre et matériels fournis
Le ministre des Armées est également revenu sur l’aide militaire française à l’Ukraine. Il est entré dans le détail des matériels livrés depuis le début du conflit. « Nous autres Français avons fait un choix, c’est de promettre ce qu’on peut livrer et de livrer ce qu’on peut promettre […] Le Président de la République a communiqué un chiffre qui était de 2,6 milliards d’euros d’équipement, livrés en valeur […] À cela se rajoute 1,2 milliard d’euros de FEP – de Facilité européenne de paix. »
Autre point d’actualité important, l’économie de guerre. Selon le ministre, « 78 canons Caesar vont sortir des usines Nexter cette année, c’est plus que le parc de l’armée française. Quand on en est à produire plus que ce qu’on a, c’est qu’on est en économie de guerre. »
Sur la gamme des obus de 155 mm, Sébastien Lecornu a rappelé que la France était capable de « n’en livrer que 2 000 entre février (2023) et ce mois de janvier (2024). Et, depuis ce mois de février, nous en sommes à 3 000 par mois. Donc la pente est bonne mais, objectivement, c’est encore trop faible […] Nexter fait son possible pour investir dans des machines, réouvrir une ligne de production supplémentaire et, par définition, nous permettre de réaugmenter encore cette cible à la fin de cette année 2024, où j’ai bon espoir qu’on soit capable de refaire 4 000 à 5 000 par mois […]
Tout le monde dit : il faut faire plus de munitions. Le vrai sujet, c’est l’accès à la poudre pour en produire. Et donc, cette usine, Eurenco, au Bergerac, nous permettra de reconstituer notre capacité souveraine. »
Conférence de soutien à l’Ukraine
Devant les députés, le ministre des Armées est aussi revenu sur la déclaration du Président de la République, le lundi 26 février 2024, lors de la conférence de soutien à l’Ukraine :
« Le Président de la République a dit qu’il n’y avait pas de consensus au moment où nous parlions pour réaliser ce genre de formation ou ce genre d’actions de déminage, mais que, par nature même, il n’excluait rien. Je le précise, parce que je vois la tournure des choses sur les réseaux sociaux ou sur le volet plus médiatique. Ce n’est pas envoyer des troupes pour faire la guerre à la Russie. Et le Président de la République a été clair hier soir, en disant que nous n’étions pas en guerre avec le peuple russe ou la Fédération de Russie. Après, la question plus globale qu’il faudra poser à chaque sensibilité politique, c’est […] : comment faire mieux, et qu’est-ce qu’on peut faire de différent pour aider l’Ukraine et faire en sorte que la Russie ne gagne pas ? C’est une question, évidemment, qui mérite un débat démocratique, et je pense que nous l’aurons dans le cadre du débat, justement, 50-1 qui sera organisé ici, à l’Assemblée nationale. En tout cas, dire qu’on exclut rien, ce n’est ni être faible, ni être escalatoire […] Ou alors à considérer que la Russie doit gagner. Mais si l’on ne considère pas que la Russie doit gagner, par définition, ne rien exclure n’est pas quelque chose d’escalatoire. Il est assez naturel que différents chefs d’État et de gouvernement rassemblés à Paris puissent se poser des questions de ce qui peut être fait en plus, notamment sur les champs que j’ai indiqués – déminage, formation, qui ont fait l’objet de discussions, mais qui, de fait, ne font pas consensus. »
Guerre en Ukraine : le dossier
Retrouvez ici nos décryptages pour mieux comprendre les enjeux et les origines de cette guerre en Europe.
Voir le dossierContenus associés
Ukraine : les ministres de la défense du groupe E5 réaffirment leur soutien
Dans un contexte de conflit persistant en Ukraine, les ministres de la Défense de la France, de l'Allemagne, de l'Italie, de la Pologne et du Royaume-Uni (groupe E5) se sont rencontrés à Paris le mercredi 12 mars. Leur réunion visait à consolider leur soutien à l'Ukraine et à examiner les projets européens en matière de défense.
13 mars 2025

Bilan des opérations aérospatiales après trois ans de guerre en Ukraine
L’emploi de la puissance aérienne a soulevé de nombreuses interrogations et offert des enseignements stratégiques et tactiques majeurs depuis le début du conflit en Ukraine, en février 2022. Le général de division aérienne Pierre-Stéphane Vaysse* a partagé ses analyses sur les opérations aérospatiales menées sur le terrain ukrainien et leurs implications pour la préparation des forces françaises à la haute intensité lors du point presse du ministère des Armées, jeudi 27 février.
28 février 2025

[Pensez stratégique] Guerre en Ukraine : trois ans déjà
Pour ce 13e épisode de Pensez stratégique, le podcast de décryptage des enjeux de défense et de sécurité, Daniel Desesquelle et ses invités reviennent sur les trois ans de guerre en Ukraine et analysent la place des autres acteurs internationaux, notamment l’Union européenne et les États-Unis.
24 février 2025
