Maîtriser ce qui se passe là-haut pour préserver notre capacité d’action ici-bas

[Salon du Bourget 2023 : la 3e dimension au cœur des opérations] L’espace intervient en appui de toutes les opérations militaires. Milieu essentiel pour les armées, il est aujourd’hui le théâtre d’un déploiement d’armes offensives et défensives. Pour faire face à ce phénomène d’arsenalisation, la France muscle sa défense.

Vue d’artiste du satellite CERES. © Commandement de l’Espace (CDE)

Tout domaine d’activité est aujourd’hui tributaire des satellites. Sans même nous en rendre compte, nous en utilisons de 10 à 40 par jour dans notre vie quotidienne. Le secteur de la défense ne fait pas exception. Communication, identification, renseignement, observation et protection des intérêts nationaux : l’espace joue un rôle crucial pour les armées. Aucune mission opérationnelle n’est réalisée sans l’appui des moyens spatiaux. De fait, ce milieu hautement stratégique devient une source de tensions de plus en plus vives, ce qui se traduit par un phénomène d’arsenalisation.

L’arsenalisation de l’espace désigne le fait de déployer en orbite de véritables armes, et non plus de simples systèmes de soutien des opérations armées au sol. Brouillage, sabotage, destruction ou prise de contrôle frauduleuse de satellites à l’insu de leur exploitant, ce déploiement s’accélère au rythme de la dégradation de l’environnement géostratégique mondial.

L’espace constitue un enjeu de souveraineté : maîtriser ce qui se passe là-haut, c’est préserver notre capacité d’action ici-bas. Face à ce constat, une stratégie spatiale de défense a été lancée en juillet 2019. Le Commandement de l’Espace (CDE), créé deux mois plus tard, apparaît comme sa tête de pont. Son rôle : travailler à la montée en puissance du spatial de défense avec l’ensemble des acteurs du domaine, au premier rang desquels le Centre national d’études spatiales (CNES). Ce travail main dans la main est essentiel pour améliorer la connaissance d’un environnement spatial de plus en plus complexe, peuplé et contesté, pour répondre aux enjeux futurs et pour développer de nouvelles capacités.

Yoda, l’ange gardien de CSO, CERES et Syracuse

Pour protéger ses intérêts dans l’espace, la France est déterminée à renouveler et à renforcer ses capacités spatiales. Pour ce faire, la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 entend y consacrer une enveloppe de six milliards d’euros. Elle vise à accroître tant nos capacités d’observation ou de renseignement que les capacités de défense de nos satellites. Sébastien Lecornu, ministre des Armées, est catégorique :

« L’enjeu spatial est fondamental, si l’on veut rester dans le club des nations en capacité de conserver des moyens de renseignements ou d’observations souverains. »

Sébastien Lecornu

  • Ministre des Armées

Le démonstrateur Yoda ouvrira dès 2025, la voie aux premiers satellites patrouilleurs-guetteurs qui visent à doter la France de capacité d’action dans l’espace. Ces capacités permettront à la France de surveiller l’espace depuis l’espace, pour détecter et attribuer un acte suspect ou agressif. Ce faisant, Yoda concourra directement à la protection des satellites militaires français CSO, CERES et Syracuse, susceptibles d’être approchés par des congénères étrangers aux attentions peu amicales.

La LPM proposera également de continuer à expérimenter l’illumination ou l’aveuglement momentané d’un satellite adverse depuis le sol.

Pollution spatiale et risque de collisions accru

À ces possibles attaques du réseau orbital, s’ajoute un autre spectre de menaces directement liées à la gestion des flux et du trafic dans l’espace. Plus de 10 000 satellites (actifs et inactifs) gravitent au-dessus de nos têtes. Et leur nombre ne cesse d’augmenter. Une croissance exponentielle qui accroît le risque de collision entre eux, mais aussi avec des débris spatiaux : morceaux de fusées hors d’usage, boulons perdus, gants de cosmonautes abandonnés... En 2022, huit alertes de collision ont été déclenchées. Deux d’entre elles ont nécessité des manœuvres de nos satellites nationaux.

De plus, ces débris – de quelques centimètres de diamètre à plusieurs mètres de large – peuvent aussi s’abattre sur terre et y causer d’importants dégâts. C’est ce qu’on appelle une entrée atmosphérique à risque (RAR). Pour s’en prémunir, un protocole tripartite existe. Le CDE via son Centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux, la Direction générale de l’armement et le CNES veillent à ce que le ciel ne nous tombe pas sur la tête. Littéralement ! L’an dernier, 24 RAR ont ainsi été suivies.

Salon du Bourget : le dossier

Le Salon international de l’aéronautique et de l’espace 2023 se tient au parc des expositions de Paris - Le Bourget du 19 au 25 juin. Retrouvez ici tous nos décryptages pour mieux comprendre les enjeux de la lutte pour la maîtrise des espaces aérien et spatial.

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