Comment renforcer l’autodéfense des bâtiments de surface ?
Missiles, artillerie, brouillage… Les bâtiments de la Marine nationale détiennent de nombreux moyens pour contrer les menaces aériennes en mer. Ils nécessitent néanmoins une adaptation constante face à l’évolution des menaces. Un ajustement industriel est en cours, mené avec l’état-major des armées et la Direction générale de l’armement. Explications.
Le 8 décembre 2023, deux drones en provenance du Yémen foncent sur la frégate multi-missions (FREMM) Languedoc alors déployée en mer Rouge. Cette attaque marque un tournant pour les bâtiments de la Marine nationale qui se retrouvent sous des actions de feu d’une intensité inédite depuis l’opération Harmattan, en Libye, en 2011.
Le capitaine de vaisseau Aurélie Léouffre, commandant de la frégate de défense aérienne (FDA) Forbin, a été déployée en mer Rouge de mai à août 2024. La frégate y a alors connu sa première expérience du feu : « La menace est constituée principalement de drones, à la fois aériens et de surface, mais également de missiles, antinavires ou balistiques. »
La menace drone n’est pas nouvelle. « Nous nous y entraînions déjà, notamment avant de passer les détroits obligés. Ces menaces, dites alors "asymétriques", s’assimilaient principalement à des attaques de jet ski suicides », explique le capitaine de vaisseau Nicolas, adjoint de l'amiral commandant la Force d'action navale (ALFAN)1. Ce qui change aujourd’hui, c’est l’usage décomplexé des drones par nos compétiteurs et surtout leur utilisation en essaims : « Lutter contre un engin ne suffit plus. Ce cumul de menaces peut saturer une marine. La masse risque de nous poser problème », poursuit-il.
« Un cumul qui peut saturer une marine. »
- Adjoint de l’Amiral commandant la Force d’action navale (ALFAN)

Détecter et neutraliser
Pour faire face à ces menaces et en complément des missiles ASTER, la Marine, en lien avec l’état-major des armées (EMA) et la Direction générale de l’armement (DGA), s’adapte pour développer ou renforcer les moyens de détection et de neutralisation, parmi lesquels :
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Les moyens de détection. Les navires déployés en mer Rouge sont déjà équipés de systèmes performants : « Le Forbin dispose d’un radar de veille longue portée, le LRR, pour détecter des cibles jusqu'à 400 km ainsi qu’un radar trois dimensions, pour détenir une bonne compréhension de ce qui se passe en l'air », indique le commandant de la frégate. Grâce aux retours d’expérience de la mer Rouge, ces moyens ont été complétés par le système optronique Paseo XLR. La DGA a notifié à l’entreprise Safran, en urgence, un contrat pour installer ce système sur huit frégates. « Le but : réduire leur difficulté d’identification de la cible, en particulier pour savoir si l’engin est habité ou non », explique le capitaine de vaisseau Nicolas.
- Les moyens de neutralisation :
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L’artillerie. Les systèmes d’armes très courte portée missile (SATCP). Des travaux sont en cours pour étudier l’ajout d’une couche SATCP missile sur les frégates. « Du calibre de 76 mm à la mitrailleuse de 12,7mm, l’artillerie représente une seconde couche de protection. Celle-ci est inférieure en distance à celle des Aster mais elle constitue un solide bouclier dans le cas où les missiles n’auraient pas été efficaces, ou bien si la menace n’aurait pas été détectée à temps », souligne le capitaine de vaisseau Aurélie Léouffre. Le RETEX mer Rouge a conduit à mener des travaux pour équiper les FREMM ASM de conduite de tir radar STIR particulièrement adaptées au traitement de ces menaces.
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Les systèmes de brouillage. « Ils entraînent des perturbations électromagnétiques pour brouiller les télécommandes ou les positions des drones », indique le capitaine de vaisseau Nicolas.
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« Les aéronefs embarqués constituent un autre outil pour lutter contre les drones. Les hélicoptères, ou même les Rafale, nous permettent d’aller plus loin pour détecter la menace et même la neutraliser », ajoute-t-il.
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Wildfire : adapter l’équipage et le matériel
Pour tester d’autres moyens d’autodéfense et préparer les équipages aux futures menaces, la deuxième édition de l’exercice Wildfire s’est tenue au large de Toulon du 23 au 26 septembre dernier. Le capitaine de vaisseau Léouffre y a participé : « Nous avons été confrontés à des menaces plus saturantes que celles rencontrées en mer Rouge, notamment des essaims de drones. Les appareils arrivaient en masse et de manière rapprochée : cela nous a imposé d’être très agiles et réactifs pour traiter l’ensemble de la menace. »
« Nous avons été confrontés à des menaces plus saturantes que celles rencontrées en mer Rouge. »
- Commandant de la FDA Forbin

Ce fut également l’occasion d’essayer de nouveaux équipements proposés par une dizaine d’industriels qui ont embarqué lors de l’exercice. « Le message : venez tester vos systèmes pour que nous puissions trouver rapidement une réponse industrielle contre la menace drone, résume le capitaine de vaisseau Nicolas. Je pense qu’ils progressent beaucoup plus vite dans ces conditions que s’ils étaient restés dans un laboratoire "aseptisé". De notre côté nous avons pu tester plusieurs solutions, certaines encore non matures, mais qui présentent de nombreux avantages. » Le commandant du Forbin a ainsi expérimenté de nouveaux moyens de guerre électronique offensifs. Des systèmes qui se retrouveront très rapidement sur les prochains bateaux déployés. « C’est rassurant de voir que l’équipe France – industriels et militaires – est en mesure d’accélérer si le besoin est avéré », conclut le capitaine de vaisseau Nicolas.
1 Il est ALFAN CENTEX/ADT pour le centre d'expertise pour le combat naval et autorité de domaine transverse.
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