Guerre de Corée : l’aventure oubliée du bataillon français
[Esprit défense] Il y a 70 ans, le 27 juillet 1953, la guerre de Corée prenait fin après trois années de sanglants combats. Au cœur de ces affrontements, un bataillon français engagé sous les couleurs de l’Organisation des Nations unies (ONU). Relativement méconnue, son épopée est pourtant marquée de nombreux faits d’armes.
« Vous pouvez dire à vos anciens que vous avez vécu quelque chose qui ressemble à Verdun. »
La légende prête ces mots au général Raoul Magrin-Vernerey. Il les aurait prononcés aux lendemains de la bataille dite de « Crèvecœur », un combat peu connu qui s’est déroulé à quelques kilomètres du 38e parallèle, au centre de la péninsule coréenne. Le général s’adresse alors aux hommes du bataillon français de la force multinationale de l’ONU, déployée pour soutenir la Corée du Sud face à son adversaire du Nord.
Quelques jours plus tôt, le 6 octobre 1951, les combattants français avaient reçu l’ordre de mener une opération périlleuse : s’emparer du piton nord de la cote 931. « C’est un relief très escarpé et lourdement défendu par les Nord-Coréens. Par cinq fois, les contingents alliés avaient tenté d’en déloger les soldats communistes, sans succès », rappelle le lieutenant-colonel Ivan Cadeau, officier historien au Service historique de la défense (SHD) et auteur de La guerre de Corée[1]. Cette fois-ci, avec l’aide de leurs compagnons d’armes américains, les Français parviennent enfin au résultat escompté. Mais à quel prix !
Sur les quelque 800 hommes engagés, 60 manquent à l’appel, et environ 260 sont blessés lorsque le bataillon est relevé le 21 octobre.
Répondre à l’appel de l’ONU
Ces soldats français – environ 1 000 – avaient quitté Marseille un an plus tôt, direction Busan, en Corée du Sud. La raison ? Le 25 juin 1950, au début de la Guerre froide, l’armée nord-coréenne envahissait son voisin du Sud par surprise. Pris au dépourvu et mal équipés, les militaires sud-coréens se replient et subissent la furia ennemie, alors même que la Chine de Mao n’est pas encore intervenue dans le conflit. C’est sans compter sur la réaction d’une partie de la communauté internationale. Dès le 27 juin, le secrétaire général de l’ONU lance un appel à la constitution d’une force multinationale. Placée sous son autorité, elle sera commandée par les États-Unis. Sa mission : restaurer par la force la souveraineté de la Corée du Sud.Déjà accaparée par la guerre d’Indochine, la France décide néanmoins de mettre sur pied un bataillon. Hétérogène, composé initialement de volontaires de l’armée d’active et de la réserve, il sera intégré au 23e régiment de la 2e division d’infanterie américaine.
« Sur le bateau qui les emmène en Corée, les Français s’attendent à une guerre courte. »
- Officier historien au SHD et auteur du livre « La guerre de Corée ».
« Les opérations se déroulent alors favorablement pour les troupes des Nations unies et certaines unités atteignent même la frontière sino-coréenne, ajoute-t-il. Mais lorsque nos militaires accostent enfin à Busan, fin novembre, des centaines de milliers de volontaires chinois ont déjà contre-attaqué, provoquant de lourdes pertes dans les rangs alliés. Une autre guerre a commencé. »
Des combats meurtriers
Si les Américains ne tiennent pas en grande estime les soldats français depuis la défaite de 1940, ils révisent rapidement leur jugement. Début janvier 1951, le bataillon tricolore s’illustre dans le village de Wonju, un carrefour stratégique, où il connaît son baptême du feu. Puis les combats de Twin Tunnels et de Chipyong-Ni s’enchaînent en février dans des conditions climatiques extrêmes, avec des pics à -30°C. « Ce sont trois coups de maître pour les Français, alors même que cet hiver-là se classe parmi les plus froids de l’histoire de la Corée », relève l’historien du SHD.
À l’été 1951, le front se stabilise autour du 38e parallèle. Un nouveau chapitre s’ouvre alors avec l’arrêt des offensives à grande échelle et l’avènement d’une guerre de positions tout aussi meurtrière, comme la bataille de Crèvecœur ou, plus tard, celle du piton d’Arrowhead[2]. Un signe ne trompe pas : en raison de la fatigue des hommes, du taux de perte élevé et surtout de la chute de moral du bataillon, l’état-major français ramène la durée d’engagement des volontaires de deux ans à un an. « Au total, plus de 3 400 soldats français vont combattre en Corée jusqu’à l’accord d’armistice signé le 27 juillet 1953, indique le lieutenant-colonel Cadeau. Mille seront blessés et 290 n’en reviendront jamais. » Une quarantaine de ces derniers reposent d’ailleurs dans le carré français du cimetière des Nations unies, à Busan. Là où tout a commencé.
[1] Éditions Tempus Perrin (2016).
[2] Le 6 octobre 1952, les Français tiennent leur position face au déferlement nord-coréen. Cette défense héroïque entraîne néanmoins la disparition d’une section entière de 49 combattants.
Le saviez-vous ?
Né en 1892, le général de corps d’armée Raoul Magrin-Vernerey, dit « Ralph Monclar », commande l’état-major français des forces terrestres qui dirige le bataillon. Pour s’insérer pleinement dans le dispositif américain, il n’hésite pas à se rétrograder lui-même de général à lieutenant-colonel, un grade plus en adéquation avec ses prérogatives. Après la Grande Guerre, la campagne du Rif dans les années vingt au Maroc ou encore la Seconde Guerre mondiale, Ralph Monclar participe alors en Corée à sa dernière opération militaire. Décédé en 1964, il repose aujourd’hui dans la crypte des Invalides.
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Guerre de Corée : l'engagement du bataillon français sous le drapeau de l'ONU.
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