« Ils ont été blessés, mais l’armée ne les laisse pas tomber » : la reconstruction avec l’équitation adaptée

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 06 septembre 2023

Ils s’appellent Ingrid, David, Ophélie, Loïc et Linda. Ils se sont engagés pour servir leur pays avant de souffrir de blessures psychiques. Durant leur parcours du blessé : la reconstruction par le sport et la possibilité de participer à un stage d’équitation adaptée organisé par le Centre national des sports de la défense (CNSD). A l’occasion des Invictus games, événement sportif international pour des soldats blessés, redécouvrez cet article d’Esprit défense.

L’infirmier en soins généraux Loïc monte son cheval pour la 1ère fois. Son aidant veille sur lui. © SCH Christian Hamilcaro/Dicod/Défense

« Je me suis complètement renfermée. Ce type d’exercice m’aide à m’ouvrir. » Ingrid, 46 ans, est infirmière en soins généraux (ISG) au Service de santé des armées. C’est à l’École militaire d’équitation de Fontainebleau, en Seine-et-Marne, que nous avons rencontré ce sous-officier au courage hors du commun. Diagnostiquée blessée psychique en 2019 à la suite d’une opération extérieure, elle tente depuis de se reconstruire. Cavalière et passionnée de chevaux, Ingrid a choisi de participer à un stage d’équitation adaptée organisé par le département « blessés militaires et sport » du CNSD.

« L’objectif n’est pas l’apprentissage de techniques équestres, mais l’épanouissement de personnes en situation de handicap physique et/ou psychique. Le regard non jugeant de l’animal permet de se comporter librement », résume l’adjudant Renaud, gendarme et référent national en équitation adaptée dans les armées. Dans ce cadre, il accompagne pendant cinq jours Ingrid et quatre autres blessés psychiques. « Grâce à ce stage, ils vont acquérir des ondes positives qu’ils pourront appliquer à l’extérieur. Ils ont été blessés, mais l’armée ne les laisse pas tomber. »

« Le groupe a besoin de chacun d’entre vous »

Seul au milieu du manège Sénarmont, un lieu à la charpente remarquable composée d’une seule voûte, le groupe rencontre Tarzan, un équidé brun mesurant près de 1,80 m. « Vous devez, tous ensemble, mener le cheval entre les plots, sans le toucher, ni parler, explique le gendarme aux stagiaires. Le but, c’est de vous coordonner pour créer une bulle. Le groupe a besoin de chacun d’entre vous. »

Rapidement, les participants s’organisent. Ils n’hésitent pas à s’entraider pour diriger l’équidé. « Il vous suit, car vous l’avez accepté dans votre bulle. Il se sent à sa place. Lorsque vous arrivez dans une unité, il faut réussir à s’intégrer. C’est pareil pour le cheval », indique l’adjudant. En retrait au début de l’exercice, Ingrid finit par prendre les devants. « Je participe à ce stage pour rencontrer d’autres blessés et retrouver une vie sociale, confie-t-elle. C’est un travail sur moi-même. Je dois contrôler ma colère et mon amertume. » Pour inciter et faciliter la communication, chaque blessé est accompagné d’un aidant, un militaire d’active.

Le soldat de première classe Dylan, du 501e régiment de chars de combat, est en binôme avec l’infirmière. « Au début, j’appréhendais car je suis timide. Ce stage m’aide personnellement, avoue le soldat, en formation pour devenir cavalier soigneur. Plus nous passons du temps ensemble, plus nous discutons facilement. »

L’infirmière en soins généraux Ingrid est en binôme avec le soldat de 1ère classe Dylan © SCH Christian Hamilcaro/Dicod/Défense

« Vous êtes là pour vous faire du bien »

Le lendemain est un jour particulier pour les stagiaires. Ils vont se mettre en selle. Mais avant ce moment tant attendu, tout reste à faire : brossage, cure des sabots, harnachement…

Dans l’écurie, tous s’activent. Entre l’adjudant-chef David, qui monte pour la première fois à cheval, et Anakin, c’est le coup de foudre : « La relation avec l’animal est importante pour moi. Si la confiance mutuelle est acquise, la communication est plus facile. » Âgé de 50 ans, David est un ancien instructeur motocycliste de la Gendarmerie nationale. Il est considéré comme blessé psychique depuis 10 ans, conséquence de plusieurs blessures physiques en service. Le coup de massue, la suppression de son aptitude moto l’été dernier : « Cela m’a anéanti… » Avant que les cavaliers ne s’élancent, l’adjudant Renaud leur demande de faire « abstraction de l’animal ». « Avancez tranquillement. Vous êtes là pour vous faire du bien, prendre de la hauteur sur l’instant et vous envoler mentalement. »

Après une heure à cheval, le maître Ophélie, 32 ans, chute. Cette technicienne en télécommunications de la Marine nationale est inconsolable : « C’est de ma faute, c’est un échec pour moi… » Mais en quelques minutes, les mots du référent lui redonnent confiance en elle et l’incitent à remonter en selle. « Tu peux être fière de toi. Ce n’est pas du tout un échec, c’est une sacrée performance et un dépassement de soi. » L’activité terminée, Ingrid est la première à prendre la parole : « Au début, c’était compliqué. Je bouillais de l’intérieur. Mais j’ai fini par m’autoriser à me détendre. J’ai enfin ressenti du bien-être. »

« Mon objectif initial est atteint »

À la suite d’un repas convivial, l’adjudant Renaud a prévu une surprise : une après-midi en attelage. C’est sous un ciel bleu que les participants embarquent dans des calèches. L’ISG Loïc ne cesse de sourire face à cette « belle découverte ».

Durant cette balade dans le parc du château de Fontainebleau, les visages des stagiaires s’illuminent. Certains saluent les passants, d’autres prennent les rênes. « Il y a une véritable sensation d’engagement ! », se réjouit Loïc aux côtés de son aidant, le brigadier Pierre, du 1er régiment de hussards parachutistes. « Je me sens utile ici. Naturellement, nous nous mettons avec des personnes et des chevaux qui nous ressemblent, atteste le jeune soldat. Je suis impressionné par les relations tissées entre les stagiaires et leur monture en si peu de temps. »

De retour aux écuries, chacun profite d’un dernier instant d’intimité avec son cheval. Celui d’Ingrid pose la tête sur son épaule. « Il est très câlin aujourd’hui, je suis aux anges », jubile le sous-officier. L’adjudant Renaud, jamais bien loin des participants, est fier : « C’est un groupe bienveillant. Ils ont tout compris au stage. Lorsqu’ils ne font plus qu’un avec leur monture, il n’y a plus de limites et tout est possible. » Ces limites, Ingrid les a bel et bien dépassées : « Je n’ai jamais été aussi calme… Mon objectif initial est atteint. J’ai réussi. »

Par Margaux Bourgasser.

l’infirmière en soins généraux Ingrid tient les rênes de l’attelage. © SCH Christian Hamilcaro/Dicod/Défense

Pour lire l’intégralité des numéros d’Esprit défense.

Découvrir

Contenus associés