Depuis la Terre, le Cosmos veille sur l’espace

Scruter l’espace, tel est le credo de la trentaine d’aviateurs qui arment le Centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux. Nichée sur la base aérienne 942 de Lyon Mont-Verdun, cette unité concourt à la défense et à la sécurité de la France. Un article issu du magazine Esprit défense n° 9.

Depuis la salle d’opération du Cosmos, une trentaine d’aviateurs surveillent l’espace. © SCH Steeve Maillet/armée de l’Air et de l’Espace/Défense

Vendredi 4 novembre 2022. Les débris d’une fusée chinoise de 22 tonnes menacent de s’écraser sur Terre. Parmi les zones susceptibles d’être touchées : la Corse. Au sein de l’armée de l’Air et de l’Espace (AAE), le Centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux (Cosmos) suit l’affaire de près grâce à ses capteurs. Appuyé par le Centre national d’études spatiales (Cnes), il a pour objectif de déterminer le moment et le lieu de rentrée dans l’atmosphère afin de fournir les données les plus affinées possibles aux autorités. Par mesure de sécurité, la Direction générale de l’aviation civile décide de fermer l’espace aérien situé au sud de l’Île de Beauté. Ce jour-là, comme dans la très grande majorité des cas, le ciel ne tombera sur aucune tête !

Participer à la protection des populations face à ce type d’événement – appelé « rentrées atmosphériques à risques » – compte parmi les responsabilités du Cosmos. Cette unité du Commandement de l’espace (CDE), installée sur la base aérienne 942 de Lyon Mont-Verdun, est référente en matière de surveillance spatiale. Bras technique du Centre de commandement et de contrôle des opérations spatiales (C3OS), elle effectue le catalogage des objets et le suivi de ces derniers. Objectif : fournir des analyses orbitales au C3OS, chargé de fusionner et de synthétiser l’activité de toutes les unités de la brigade aérienne des opérations spatiales vers les états-majors. Le commandant du Cosmos, le colonel Clément, détaille : « Notre rôle consiste à traiter et à analyser une masse colossale de données issues de systèmes français et de partenaires étrangers, afin d’établir la situation spatiale. Celle-ci est primordiale pour préserver notre capacité autonome de prévoir et d’appuyer nos opérations sur Terre et dans l’espace. »

Maîtriser ce qui se passe là-haut…

L’activité des armées dépend en effet largement de l’espace. Or, les comportements offensifs s’y multiplient. Caractériser les objets et leurs trajectoires, pour in fine évaluer ces menaces, apparaît donc essentiel. « Nous devons savoir qui évolue dans l’espace, avec quels objectifs et comment », précise le colonel. Pour y parvenir, le Cosmos s’appuie notamment depuis 2005 sur le radar Graves. « Il permet de cataloguer les objets spatiaux qui évoluent en orbite basse, de 400 à 2 000 kilomètres d’altitude autour de la Terre », indique l’adjudant Mathieu, opérateur au sein de la cellule « situation spatiale » et spécialiste de la météorologie de l’espace.

Avec l’émergence du New Space et l’augmentation exponentielle du nombre de satellites, « nous devons absorber de plus en plus d’informations », poursuit-il. Une fois traitées et analysées, ces dernières représentent une aide précieuse à la décision opérationnelle. Le sergent Ivan, de la cellule « appui spatial aux opérations », développe un cas concret d’utilisation : « Lors de la mission Pégase 20231, nous fournissions aux équipages les prévisions de survol des satellites d’intérêt militaire. Ils savaient ainsi à quel moment précis leurs activités sensibles risquaient d’être observées afin d’en contrôler la visibilité. »

Le radar Graves dote la France de capacités autonomes de surveillance de l’espace. © ADC Anthony Jeuland/armée de l’Air et de l’Espace/Défense

… pour préserver notre capacité d’action ici-bas

Contribuer à la protection des forces passe aussi par… l’étude du Soleil. À première vue, le lien ne paraît pas évident. Et pourtant ! « Des phénomènes comme des éruptions solaires peuvent interrompre la navigation GPS, provoquer des pannes à bord des satellites, perturber les télécommunications… », relate l’adjudant Mathieu, spécialiste de la météorologie de l’espace. En 2022, la constellation Starlink a ainsi perdu 40 de ses satellites à la suite des colères de notre étoile. Pour se prémunir de tels incidents, le Cosmos publie chaque jour un bulletin météorologique vulgarisé avec l’aide d’un service d’alerte aux événements et activités solaires2.

Afin d’établir une situation spatiale toujours plus précise, le Cosmos dispose aussi d’une cellule de recherche. Elle passe au crible un grand volume de renseignements de source ouverte. « Ce travail vise à anticiper toute manœuvre – lancement de satellite, opération spatiale civile… – et à détecter des capacités non signalées dans les références publiques », énumère le sergent Mathieu, spécialiste du renseignement d’intérêt spatial.

Dans un an, la totalité du Cosmos rejoindra le CDE, à Toulouse, où sont attendus d’ici à 2025 près de 500 militaires. Tous seront colocalisés avec le Cnes et le Centre d’excellence de l’Otan pour l’Espace. Un déménagement « gage de fortes synergies », se réjouit le colonel Clément.

Par la capitaine Catherine Wanner.

1 Déploiement à l’été 2023 d’une vingtaine d’aéronefs de l'armée de l'Air et de l'Espace en Indopacifique.

2 Service mis en place par le Cosmos en 2010 et connu sous le nom de Fedome (Fédération des données de météorologie de l’espace).

Comment la France se prépare à un conflit spatial

Face à la militarisation croissante de l’espace, la question n’est désormais plus de savoir si un conflit peut avoir lieu dans le domaine spatial, mais quand. La France s’y prépare aussi bien au niveau capacitaire, en développant de nouveaux matériels, qu’au niveau opérationnel.

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