« Le 17 juin 1940, face au déshonneur, Jean Moulin préfère mourir »

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 16 juin 2023

Le 17 juin 1940, Jean Moulin se tranchait la gorge pour ne pas céder aux exigences allemandes. Comme chaque année, un hommage national lui est rendu ce samedi en souvenir de son premier acte de résistance. Comment en est-il arrivé là ? Sylvie Zaidman, directrice du musée de la Libération de Paris-musée du général Leclerc-musée Jean Moulin, décrypte les grandes facettes de sa personnalité.

Jean Moulin et le Feld Kommandant Baron von Gutlingen, à Chartres, en août 1940. © Mademoiselle Letort

Que faut-il savoir sur les premières années de Jean Moulin pour comprendre sa personnalité ?

Né en 1899, Jean Moulin est le fils d'un professeur du lycée de Béziers. Son père, un ardent républicain, va avoir beaucoup d'importance dans sa formation politique. Jean Moulin suit donc les conseils de ce dernier et poursuit des études qui le mènent à une carrière préfectorale. Mais il a aussi un côté artiste bohème qui tranche avec sa future fonction de préfet. C'est un homme qui dessine énormément et s’essaye à d’autres techniques comme la gravure. Il possède une vraie fibre artistique. Dans les années 1920, sa rencontre avec Pierre Cot est un vrai tournant dans sa vie. L’homme politique savoyard lui offre ses premières opportunités en tant que chargé de mission puis chef de cabinet. Son père lui a inculqué des valeurs politiques. Pierre Cot lui apporte quelque chose de plus actuel dans ces années d’après-guerre. Point important : Jean Moulin est extrêmement patriote.

Comment en arrive-t-il à lutter de toutes ses forces contre le fascisme ?

La manifestation antiparlementaire du 6 février 1934 est un moment crucial dans sa conscience politique. Dans le cadre de ses fonctions auprès de Pierre Cot, il assiste à ces événements depuis l’Assemblée nationale et a donc une vision directe sur le déroulement de la journée. Il écrira une lettre à son père dans laquelle il se dit effrayé par l’incapacité gouvernementale à réagir face aux ligues nationalistes. En 1936, Jean Moulin a l’opportunité de jouer un rôle dans la guerre civile espagnole. Il est alors chef de cabinet de Pierre Cot, ministre de l’Air dans le gouvernement du Front populaire. Très peu d’archives illustrent cette période de sa vie. Il existe tout de même des témoignages de pilotes d’avion déclarant l'avoir rencontré puis avoir été envoyés par lui en Espagne. Leur consigne : venir en soutien du camp républicain. L’aide apportée était officieuse car la position du gouvernement Blum était officiellement la non-intervention dans ce conflit.

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Le 17 juin 1940, il tente de se suicider pour ne pas céder aux exigences allemandes. Pourquoi a-t-il commis ce geste ?

Il faut bien remettre cet épisode dans son contexte. Depuis 1939, Jean Moulin est affecté à Chartres en tant que préfet d’Eure-et-Loir. Contrairement à nombre de ses homologues dans d’autres départements, il ne fuit pas l’avancée des troupes allemandes. Le futur résistant doit alors faire face au déferlement de réfugiés en provenance de Paris. Il va donc se démener pour trouver de quoi les loger, les nourrir et les soigner… alors même que la ville subit les bombardements ennemis. Conséquence directe : Jean Moulin est épuisé lorsque les Allemands arrivent à Chartres, le 17 juin.

Justement, que se passe-t-il alors ?

Ces derniers lui demandent aussitôt de signer un papier incriminant les tirailleurs sénégalais de l’armée française. La raison ? Un massacre de civils. Le préfet refuse et réclame des preuves. Devant son manque de coopération, les soldats du Reich le malmènent. Ils vont même jusqu’à l’emmener voir des cadavres soi-disant massacrés par les tirailleurs. Le préfet réalise que ce sont des corps déchiquetés par les bombardements. Son choix est fait. Face au déshonneur, roué de coups, Jean Moulin préfère mourir et se tranche la gorge. Il en réchappe de peu. C’est un moment extrêmement important pour lui qui l’amène à réfléchir sur son engagement patriotique. Ces événements sont aussi déterminants sur sa résistance à la torture. 

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