Saint-Laurent-sur-Mer, le cœur de « bloody Omaha »

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 04 juin 2024

Le 6 juin prochain, la cérémonie internationale du 80e anniversaire du Jour J se tiendra à Saint-Laurent-sur-Mer. Le village borde la plage d’Omaha Beach, célèbre pour la violence des combats qui s’y sont déroulés, dans un secteur où les Allemands protégeaient alors une voie d’accès stratégique.

Soldats américains sur Omaha Beach, Saint-Laurent-sur-Mer, le 6 juin 1944 © US National Archives

Pieux en bois, réseaux de barbelés… Ce matin du 6 juin 1944, d’innombrables obstacles couvrent Omaha Beach1, une plage longue de sept kilomètres, lorsque les « GIs » mettent pied à terre. C’est notamment le cas à Saint-Laurent-sur-Mer, où les Allemands ont dressé plusieurs lignes de défense. Le village occupe une place centrale. À l’est, Colleville-sur-Mer. À l’ouest, Vierville-sur-Mer et, plus loin, la pointe du Hoc.

La bataille pour Omaha, longtemps incertaine, a finalement été gagnée. Mais le secteur de Saint-Laurent-sur-Mer a été particulièrement difficile à conquérir2. « La particularité d’Omaha Beach est son relief, marqué par un escarpement d’une trentaine de mètres de hauteur, légèrement en retrait du front de mer, indique Christophe Prime, auteur d’Omaha Beach : 6 juin 19443 et responsable des collections au Mémorial de Caen. Cette butte n’est pas continue. À plusieurs endroits, elle redescend et forme une petite vallée qui s’enfonce à l’intérieur des terres. C’est justement le cas à Saint-Laurent-sur-Mer, village situé au bout de ce chemin étroit en pente douce, à environ un kilomètre dans l’arrière-pays. » Côté américain, la prise de cette sortie de plage, dite « Les Moulins », est un prérequis indispensable à l’acheminement des véhicules et du matériel plus loin dans les terres. Un objectif auquel les Allemands s’étaient très bien préparés.

Une défense bien huilée

L’assaut américain s’effectue à marée montante. C’est en effet le seul moyen d’apercevoir les lignes d’obstacles installés sur l’estran et destinés à endommager les péniches de débarquement. Conséquence directe, les soldats doivent parcourir près de 400 mètres à découvert et sous les tirs ennemis. Vient ensuite une zone, normalement habitée, entre la plage et le pied de l’élévation. Les Allemands avaient cependant rasé l’essentiel des villas côtières qui s’y trouvaient pour dégager le champ de tir. À la place, ils avaient donc installé un fossé antichar rempli d’eau, un réseau de barbelés, des champs de mines et un impressionnant mur en béton contre les véhicules blindés. « La Wehrmacht utilisait même des lance-flammes automatiques qui pouvaient être déclenchés à distance », révèle Christophe Prime.

1Les plages normandes ont reçu des noms de code pour ne pas éveiller les soupçons. Omaha est tout simplement la plus grande ville de l’Etat du Nebraska, aux Etats-Unis.

2La plage a rapidement été surnommée « Omaha la Sanglante » en référence à la violence des combats.

3Editions Tallandier (2022).

La sortie plage « Les Moulins » (D3), cruciale pour le débarquement des troupes et du matériel. © US National Archives

Si le soldat américain arrive malgré tout à percer, il doit alors affronter les quatre « Widerstandsnester » (nids de résistance, en français), ou WN, qui tirent depuis les hauteurs et protègent la route menant à Saint-Laurent-sur-Mer. Concrètement, un WN est composé de réseaux de tranchées, de postes d’observation, de bunkers abritant des pièces d’artillerie, des mitrailleuses et des mortiers. Ils sont disposés de manière à couvrir la plage et à se protéger contre des attaques de flanquement. « Une casemate à double embrasure édifiée à l’entrée de la vallée permettait aux Allemands de prendre l’assaillant sous un feu croisé en cas d’infiltration », raconte l’historien.

Des soldats allemands aguerris

Sur le papier, la 716e division d’infanterie allemande chargée de défendre Omaha Beach paraît assez démunie. Dans la zone de Saint-Laurent-sur-Mer, ils ne sont ainsi qu’une centaine d’hommes, souvent des jeunes recrues, face à l’armada américaine. Mais ces soldats sont encadrés par des sous-officiers et des officiers, dont la plupart ont participé aux campagnes de Pologne, de France ou encore du front de l’Est. Surtout, l’ennemi connaît très bien le terrain, car il y est posté depuis 1942. « La 716e est bien entraînée et possède une certaine maîtrise. Par exemple, les Allemands avaient posé des morceaux de tissu sur les obstacles. Ces marqueurs leur permettaient de régler les tirs de mitrailleuse ou de mortier pour être les plus précis possible », explique Christophe Prime. « Ils attendaient toujours le dernier moment pour faire feu afin de ne pas révéler leur position trop rapidement. Tout était réglé comme du papier à musique. »

Aux « Moulins », la ténacité du camp allié finit tout de même par payer. Les Américains parviennent à atteindre les hauteurs et prennent les défenseurs allemands à revers. En fin de matinée, la Wehrmacht commence à se replier vers l’intérieur des terres, notamment dans le village même de Saint-Laurent-sur-Mer. Ces soldats en déroute montent alors des barricades à la hâte, en attendant la contre-offensive de la 352e division d’infanterie allemande qui intervient dans l’après-midi, sans succès. Après plusieurs tentatives acharnées au cours de la nuit, les Américains prennent finalement possession du village, le 7 juin au matin.

Par EV1 Antoine Falcon de Longevialle

Cet article est tiré du numéro 11 d’Esprit défense.

 

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